Booba – Temps Mort
février 1, 2002 (No Comments) by Wrong pour la Balafre Africaine

Booba – Temps MortTerrorisme : 1. Usage systématique de la violence (attentats, destructions, prises d’otages, etc.) auquel recourent certaines organisations politiques pour favoriser leurs desseins. — Terrorisme d’État: recours systématique à des mesures d’exception, à des actes violents, par un gouvernement agissant contre ses propres administrés et, par ext., contre les populations d’un État ennemi. 2. Fig. Attitude d’intimidation, d’intolérance dans le domaine de la culture, de la mode, etc. Le terrorisme de l’avant-garde .En guise de gilet pare-balles, prévoyez de détruire votre caisson de basses pour éviter les déflagrations, ne passez pas le volume au delà de 10, votre cerveau se doit d’être préparé à cet assaut calibre 22. L’album de Booba est là, rien ne sert de couvrir vos arrières, vous êtes déjà mort…

Dangereux élément du mythique groupe Lunatic, Booba se permet une escapade solo histoire de remémorer aux amnésiques que l’invasion ne fait que commencer et que l’album du groupe n’était qu’une bombe préventive. Forts de leurs expériences indépendantes (malgré le fait qu’il n’y ait qu’un seul album à leur catalogue) 45 Scientific nous livre ici un album peut-être encore plus abouti que leur précédent essai, car la première écoute impose un constat: la cohérence est de mise, et malgré la mode « racailleux », Temps Mort est un album hors normes.

Après l’attentat « Repose en paix » de la compilation 45 Scientific (présent sur ce disque), dire que l’attente était grande tient de l’euphémisme gentillet. Pas de déceptions, l’album remplit son rôle à plusieurs niveaux. Début de l’état des des lieux avec l’ultra-sombre « Indépendants », qui devient immédiatement un des plus beaux brûlots « pro-autoproduction » de la petite histoire du hip-hop français. Les lyrics fusent comme le sang dans un abattoir, la lucidité du titre forçant le respect, nous rassurant sur l’état d’esprit du crew malgré le succès (80’000 albums vendus en totale indépendance, une date). D’ailleurs le reste de l’album confirme ce que l’on pensait de l’ami Booba: malgré la réputation qui veut qu’il soit l’élément « street » du groupe, il prouve définitivement qu’il n’est pas seulement un flow, la plume suit, malgré quelques relents « misérabilistes » de 2 ou 3 phases, et le pavé lyrique général de l’ensemble met bien en avant des propensions extra racailleuses.

A mettre au palmarès de cet album, citons le teigneux « Ma définition », qui est autant une définition de la vie du rue que de sa vision du hip-hop, qui rappelle bien sûr un morceau comme « Le hip-hop mon royaume » de Rocca, pour cet aplomb vénéneux qu’on les deux rappeurs à mettre en parallèle leur vie et leur vie professionnelle. Toujours au panthéon, oublier « On m’a dit » tient de l’affront, cette ballade (au sens premier du terme) dans le monde des langues trop pendues reste un chef d’œuvre de Road movie hip-hop, Booba se permettant des phases comme « on m’a dit d’changer mes mots pour pas qu’les p’tits me suivent / pas grâce à moi qu’y pensent à Tony devant leurs Petits suisses » afin de relativiser cet autre réminiscence qui gangrène le hip-hop français qui veut que les lyrics influencent la jeunesse. Aussi pathétique que Chirac tentant de se mettre à Screwball…

Si on parle de cohésion, en particulier pour cet album, un des éléments à qui l’ont doit ce succès est le choix chirurgicale des productions. On sent à chaque track que le choix a été minutieux, car malgré le nombre conséquent de producteurs (Geraldo évidemment, qui prouve plus que jamais qu’il fait parti de la crème, mais également Fred, et d’autres non précisés sorry…), l’ensemble garde une ligne de conduite où les samples et les breaks sont souvent synonymes, la noirceur et la crudité des sons poussant l’album dans la catégorie plutôt convoitée des disques avec leur propre identité. Pas un seul faux bond sur les quatorze titres, car après le « faux-pas » de la compil « 45 Scientific » (trop courte et beaucoup trop compil’ justement, un amas de morceaux sans harmonie – plus un bonus pour les fanas qu’une réelle réussite artistique) on pouvait craindre une certaine redondance au niveau musical, avec ces afflux de violons et de pianos darks, marque de fabrique, jusqu’à aujourd’hui, des tracks où posait Booba. Ici on passe d’un beat limite électro (« Temps mort ») à des effluves presque dansantes de « 100-8 ZOO » sans perte de l’homogénéité sus-citée, faisant de cet album un des brûle-gueules les mieux finis depuis L’Ecole du Micro d’argent de IAM.

Bien que n’étant pas la révolution du hip-hop français comme le laissait entendre le maxi, Temps Mort demeure la diatribe pro-hiphop que certains attendaient pour répliquer à ceux qui pensaient que ce dernier était mort. Du fana hardcore de hip-hop East coast à celui, plus dandi, de groupe « barés », nul ne pourrait se permettre de critiquer, au moins, le succès éditorial de cet album, non pas majeur mais en tous cas indispensable pour ne pas s’enliser dans un sectarisme qui gangrène de plus en plus le mouvement hip-hop en France. Quand on a à choisir entre une faux et un couteau à beurre, on prend ce dont on a le plus besoin et souvent, l’assassin ne se fait pas une tartine avant l’acte…

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février 1, 2002 (No Comments) by Wrong pour la Balafre Africaine

Booba – Temps MortTerrorisme : 1. Usage systématique de la violence (attentats, destructions, prises d’otages, etc.) auquel recourent certaines organisations politiques pour favoriser leurs desseins. — Terrorisme d’État: recours systématique à des mesures d’exception, à des actes violents, par un gouvernement agissant contre ses propres administrés et, par ext., contre les populations d’un État ennemi. 2. Fig. Attitude d’intimidation, d’intolérance dans le domaine de la culture, de la mode, etc. Le terrorisme de l’avant-garde .En guise de gilet pare-balles, prévoyez de détruire votre caisson de basses pour éviter les déflagrations, ne passez pas le volume au delà de 10, votre cerveau se doit d’être préparé à cet assaut calibre 22. L’album de Booba est là, rien ne sert de couvrir vos arrières, vous êtes déjà mort…

Dangereux élément du mythique groupe Lunatic, Booba se permet une escapade solo histoire de remémorer aux amnésiques que l’invasion ne fait que commencer et que l’album du groupe n’était qu’une bombe préventive. Forts de leurs expériences indépendantes (malgré le fait qu’il n’y ait qu’un seul album à leur catalogue) 45 Scientific nous livre ici un album peut-être encore plus abouti que leur précédent essai, car la première écoute impose un constat: la cohérence est de mise, et malgré la mode « racailleux », Temps Mort est un album hors normes.

Après l’attentat « Repose en paix » de la compilation 45 Scientific (présent sur ce disque), dire que l’attente était grande tient de l’euphémisme gentillet. Pas de déceptions, l’album remplit son rôle à plusieurs niveaux. Début de l’état des des lieux avec l’ultra-sombre « Indépendants », qui devient immédiatement un des plus beaux brûlots « pro-autoproduction » de la petite histoire du hip-hop français. Les lyrics fusent comme le sang dans un abattoir, la lucidité du titre forçant le respect, nous rassurant sur l’état d’esprit du crew malgré le succès (80’000 albums vendus en totale indépendance, une date). D’ailleurs le reste de l’album confirme ce que l’on pensait de l’ami Booba: malgré la réputation qui veut qu’il soit l’élément « street » du groupe, il prouve définitivement qu’il n’est pas seulement un flow, la plume suit, malgré quelques relents « misérabilistes » de 2 ou 3 phases, et le pavé lyrique général de l’ensemble met bien en avant des propensions extra racailleuses.

A mettre au palmarès de cet album, citons le teigneux « Ma définition », qui est autant une définition de la vie du rue que de sa vision du hip-hop, qui rappelle bien sûr un morceau comme « Le hip-hop mon royaume » de Rocca, pour cet aplomb vénéneux qu’on les deux rappeurs à mettre en parallèle leur vie et leur vie professionnelle. Toujours au panthéon, oublier « On m’a dit » tient de l’affront, cette ballade (au sens premier du terme) dans le monde des langues trop pendues reste un chef d’œuvre de Road movie hip-hop, Booba se permettant des phases comme « on m’a dit d’changer mes mots pour pas qu’les p’tits me suivent / pas grâce à moi qu’y pensent à Tony devant leurs Petits suisses » afin de relativiser cet autre réminiscence qui gangrène le hip-hop français qui veut que les lyrics influencent la jeunesse. Aussi pathétique que Chirac tentant de se mettre à Screwball…

Si on parle de cohésion, en particulier pour cet album, un des éléments à qui l’ont doit ce succès est le choix chirurgicale des productions. On sent à chaque track que le choix a été minutieux, car malgré le nombre conséquent de producteurs (Geraldo évidemment, qui prouve plus que jamais qu’il fait parti de la crème, mais également Fred, et d’autres non précisés sorry…), l’ensemble garde une ligne de conduite où les samples et les breaks sont souvent synonymes, la noirceur et la crudité des sons poussant l’album dans la catégorie plutôt convoitée des disques avec leur propre identité. Pas un seul faux bond sur les quatorze titres, car après le « faux-pas » de la compil « 45 Scientific » (trop courte et beaucoup trop compil’ justement, un amas de morceaux sans harmonie – plus un bonus pour les fanas qu’une réelle réussite artistique) on pouvait craindre une certaine redondance au niveau musical, avec ces afflux de violons et de pianos darks, marque de fabrique, jusqu’à aujourd’hui, des tracks où posait Booba. Ici on passe d’un beat limite électro (« Temps mort ») à des effluves presque dansantes de « 100-8 ZOO » sans perte de l’homogénéité sus-citée, faisant de cet album un des brûle-gueules les mieux finis depuis L’Ecole du Micro d’argent de IAM.

Bien que n’étant pas la révolution du hip-hop français comme le laissait entendre le maxi, Temps Mort demeure la diatribe pro-hiphop que certains attendaient pour répliquer à ceux qui pensaient que ce dernier était mort. Du fana hardcore de hip-hop East coast à celui, plus dandi, de groupe « barés », nul ne pourrait se permettre de critiquer, au moins, le succès éditorial de cet album, non pas majeur mais en tous cas indispensable pour ne pas s’enliser dans un sectarisme qui gangrène de plus en plus le mouvement hip-hop en France. Quand on a à choisir entre une faux et un couteau à beurre, on prend ce dont on a le plus besoin et souvent, l’assassin ne se fait pas une tartine avant l’acte…

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