C’est reparti ! …. étant aventurier à la recherche de sensations fortes dans le Hip Hop, un nouvel épisode de King Siroko et ses entrevues artistiques…
Bien que nous n’étions alors pas encore tout à fait passé au printemps, je sentis un renouveau dans l’air et connaissant la chanson, je fus porté assez naturellement par le son de l’album de Bams (son quatrième) dans le métro, une réelle bouffée d’oxygène, un rappel pour ma conscience cosmic… Retour au présent ! ça tombe bien tout ça parce que j’ai rendez-vous dans un joli square avec Mademoiselle Bams en personne pour une petite rencontre/interview et je suis bon client, plutôt friand là-dessus…
Y’a comme un dérèglement climatique dans ma tête mais pas dans les couloirs du métro, c’est l’effet de serre, bref, je suis cette fois encore (et oui, je progresse…) muni de mon portable avec une application qui permet d’enregistrer correctement mais laissons notre invitée se définir, se dévoiler, se raconter et nous emmener sur sa planète, je dirais même dans les joies et tourments de son univers.
1.King Siroko (KS) : Peux tu nous rappeler ton parcours artistique et personnel?
Bams (B) : Salut tout le monde, mon parcours perso?
Je dirais…jeune femme, lunaire, qui a grandi dans les bois à la cesse St Cloud, une banlieue verte, c’est important parce que ça fait beaucoup de l’être que je suis aujourd’hui et mon ultra sensibilité au monde, ce parti pris d’être une auteure engagée, je pense que quand on a grandi dans la nature, quand on l’a aimée dès petit…. ça sensibilise sur ce que c’est de pousser, grandir, s’épanouir d’avoir sa place tel que l’on est, comme ces arbres dans le parc, y’en a des grands, des touts petits, des biscornus et ils sont tous beaux et ils sont tous ensemble donc voilà une enfance, une adolescence plutôt heureuses. Des études jusqu’à ma licence de maths, un groupe de musique ado, de rock-jazz qui s’appelait Shooka Gang. J’étais aussi sportive de haut niveau à une autre époque, triple saut et la musique… la musique rentre par accident on va dire mais… je ne crois pas au hasard… c’est un accident sans être un accident dans le sens où aujourd’hui que c’est ma vie, mon oeuvre de tous les jours…du coup, je lie moins innocemment le fait que j’ai pris beaucoup de plaisir à grunger, rocker dans les caves avec ce premier groupe donc voilà, à l’époque quand cette aventure s’est arrêtée c’était juste… on a arrêté…
Et puis ça m’a rattrapé quand j’ai eu mon premier appart’ vers 17 ans sur Paris et mes premières amies noires qui m’emmènent dans les soirées hip hop et du coup je découvre cette culture, cette énergie vers 1990, et peu de temps après, je découvre le wu tang et autres…. Donc je ne viens pas du tout du rap, je viens vraiment du rock et du jazz, en fait, je ne suis pas rentré dans la culture HIp Hop par la danse, le graffiti, en tous cas, ça s’est fait très vite, par le kick, le micro et l’impro.Très vite, j’ai fait mes rencontres, mes premiers djs, mes premiers instrus et bams, c’est parti!
KS : Te définis tu comme une artiste engagée, militante?
B: Ouais, ça me va très bien, j’y ajouterai libre, vivante, libre car vivante et je pense quand on aime la vie et quand la respecte, on respecte sa première définition qui est pour moi, la pluralité… je veux dire un être humain est triste, en colère, rageux, joyeux, composés de pleins d’émotions et en choisissant;, la voie artistique, musicale ce qui m’intéresse c’est explorer nos facettes, nos mondes nos couleur, nos émotions et la ligne directrice de tout ça c’est ma plume, ou en tous cas sa couleur engagée parce que j’aime chanter le monde, comment il tourne ses aspérités, ses espoirs, ses sources d’espoir, j’aime souvent dire « Light, force and love » mais voilà s’il devait y avoir un pacte pour la musique, ça serait cette sentence, j’aimerais que ce soit ça!
KS: Qu’est ce que la liberté, dans ton univers et de manière générale, comment tu vois ça?
B: C’est être à son écoute, voilà, on est je crois 7 milliards d’individus régis par des gouvernements, des familles, par un travail, par un statut social alors qu’on a tous en commun d’avoir un univers personnel, intérieur fort dans le sens où je pense que ce que tu ressens, ce que l’auditeur, auditrice, lecteur, lectrice est aussi fort que ce que je peux ressentir et du coup, la liberté, je la mets dans le fait de ne pas fermer les portes ni sur mes émotions ni sur là où me pousse mon regard, ce sont des possibilités à géométrie variable, c’est de rester astral… Après je suis qui je sui donc c’est forcément guidé par le prisme par lequel j’entrevois tout ça d’être une femme, noire, maman, punk, jeune, rockeuse mais ce qui m’importe musicalement, quand j’écoute un son, il faut que ça fasse pulser quelque chose en moi, qu’il y ait une résonance en moi et une fois que ça le fait, je me demande ce que ça touche, qu’est ce que j’ai envie de dire? Donc la liberté c’est s’écouter, ne pas écouterles autres même si parfois ça se rejoint de ne pas inhiber son ressenti et c’est d’avoir confiance en ce qui nous porte.
KS: Tu es auteure, dans ton écriture, qui tu représentes au juste?
B : Tous les êtres libres, les aventuriers, aventurières soient touchés par mon travail, ceux qui ont la foi en eux, tous les agitateurs, tous ceux qui osent aller au délà des dogmes, tous les agitateurs, tous ceux qui osent inventer des choses mais par exemple, il y a ceux qui sont salariés et puis ceux qui se disent je vais monter mon truc…
Bon après monter son truc, ça veut pas forcément dire vouloir entrer en bourse… mais c’est respecter son espace, j’aime bien ces identités libres très en écoute de l’autre, et très en envie de l’autre, ça, ça me parle donc je me sens plus proche de ces derniers.. Si on me demandait qui tu voudrais représenter, j’aimerais représenter ces gens là qui ont envie d’un autre monde et qui font cet autre monde parce qu’on tend à nous faire croire qu’il n’existe pas, on est plein à ne pas croire à la soupe qu’on nous sert tous les jours au J.T. Voilà, je suis un peu de ces gens-là, de cette espèce…
KS: Tu as un côté journaliste, critique, un côté choc des mots en mode décomplexée, es tu dans la provoque?
B : Mes mots sont sincères et ressentis, effectivement, comme je pense pas être dans ce mouvement de pensée unique, ça peut paraître atypique mais ça ne l’est pas et ça j’en suis convaincue.
Je me sens pas provoc’, c’est juste que je suis femme, je suis de ces femmes d’aujourd’hui, dans le sens où on tend à nous faire croire c’est juste être bonne, belle, souriante, maman, j’aime bien ça mais j’ai aucun soucis à être grincheuse, pas d’accord, chiante et que je laisse autant de place à ça chez moi.
Je ne tais pas chez moi des choses que je sais qui parce qu’elles sont peu dites, peu vues, peu entendues… en fait, comme je ne connais pas la honte, ben, voilà, je suis nature mais j’ai pas la prétention d’être complète même si on tend tous à l’être.
KS :Est ce que tu as tu des grandes peurs?
B : Mes deux grandes peurs actuelles… ont rien à voir l’une et l’autre…Y’en a une première…là, je suis indé, auto-produite et je me demande si je vais pouvoir continuer à faire de la musique? Je me rends compte que cette réponse dépend du succès commercial que tu connais ou pas et l’étau se resserre parce que c’est de plus en plus difficile de , j’ai l’impression trouver son public ou de le rencontrer parce qu’on est dans une société de crise et c’est la crise pour tout le monde, bien sûr, pour la classe prolétaire mais, et, c »est là où ça change la donne, c’est la crise aussi pour les gros, dans la musique, c’est la crise pour les grosses maisons de disque, du coup, ils se replient sur des lieux, des espaces qui étaient avant plus ouverts pour des indépendants, pour la scène alternative.
Aujourd’hui, tout le monde a peur, tout le monde se replie vers ce qu’il connaît et beaucoup moins de personnes ne prend des risques avec des projets plus atypiques et comme je pense appartenir à cette catégorie, ça m’est difficile de trouver des dates de concert alors j’en suis à mon quatrième album , j’ai toujours joué et c’est la première fois que j’ai pas de dates et c’est pas parce que j’ai pas un bel album, j’adore ce que je fais et j’ai une superbe équipe sur scène : Bobby Chucky à la basse, Higelin, Brigitte Fontaine, Rémi Boussot au clavier, Dj Jane Kazu qui a fait toute la tournée de Kool Keith, qui est présent depuis mon premier album – ensemble, nous avons travaillé avec RZA du Wu Tang, Kool Keith., Di Angelo, Les Wailers, Franck Montegari à la batterie, Abdel Malik, Zazie, Damien Hossard à la guitare, j’ai un pur band et, par ailleurs, je trouve pas de dates… Alors, peut être à tort, j’arrive pas à me dire que mon projet n’est pas beau, parce que je le pense pas du tout… Ma démarche artistique, elle est de mélanger les genres, les univers mais c’est une chose peu défendue et comme y’a pas encore de grands exemples de projets comme ça qui ont tout pété commercialement parlant donc quand les gens voient mon projet sur la table, à part me dire « c’est bien, Bams mais tu vois, je travaille auprès du public rock, du public rap, chansons etc. et est ce que …, est ce que… », ils ne prennent pas le risque…
Ma grande crainte, c’est qu’est ce que l’avenir nous réserve?
Alors avant je ne me posais pas du tout la question… Maintenant, c’est ma vie donc je continuerai de faire du son quitte à me retourner vers des formes minimalistes, qui coûtent moins cher mais ce serait par défaut.
Mon autre grande crainte, là, aujourd’hui je suis maman, je comprends mes parents qui s’inquiétaient quand on rentrait pas, quand on était malade.
Oui, y’a mon homme et cet être est délicieux à mon coeur mais il y a surtout nos deux petits et si demain, il devait leur arriver quelque chose ça serait terrible.
Ma 3 ème grande crainte, c’est…les temps se radicalisent donc ça fait flipper mais d’un autre côté, je préfère entrevoir ça façon verre à demi plein : tous les peuples du monde connaissent la crise et j’espère que de tout ça va sortir une autre chose et pas ce que l’historie nous a déjà montrés pas quand crise égal fascisme égal radicalité égal exclusion, ségrégation, égal, égal
KS : As tu un avis sur l’actualité du monde, de la France?
B : J’en ai un mais je ne sais plus que dire, on a un beau pays et on se comporte comme des goujats, on peut s’éduquer, se soigner, où on vit pas dans des maisons en bois avec un tôle en fer au dessus de la tête et par ailleurs un peuple gris triste, de plus en plus réac’, chacun chez lui, chacun chez lui des élites consternant d’irresponsabilité dans les paroles sous couvert de « nous sommes une démocratie, on peut tout dire », j’ai peur pour la jeunesse même je pense que chaque génération a ses grieffs mais eux ils n’ont plus beaucoup d’amour en exemple et ça, ça fait flipper…
KS : Que penses tu de cette montée du racisme?
B : Sur cette question du racisme, je vais répondre en tant que noir, tant que l’afrique ne sera pas émancipée, le regard qu’on portera sur l’homme noir grand H, c’est à dire l’homme et la femme, partout dans le monde ne changera et quand je dis Afrique émancipée, je veux dire libre dans ses choix, de produire, de vivre, de créer et on va donner un exemple très simple parce que y’a un tas de gens qui disent l’esclavage c’est fini, la colonisation c’est fini…on a forcé la plupart les peuples européens à rejoindre la constitution eurpéenne et par ailleurs, on fait chier les artisans, exemple les fabriquants de fromage de chèvre d’une région, on leur dit non, non, c’est l’Europe, on peut pas…mais par contre le gouvernement français a tout fait pour garder la main mise sur le franc cfa, donc ce que j’aimerais savoir c’est comment un pays qui ne possède pas sa monnaie est souverain? est libre? Quand on me dit que la colonisation est finie…On est dans cette hypocrisie, mensonge, flou pesant.
KS : Quelles sont tes influences musicales?
B: Elles vont de Miles davis à david bowie, barbara, fela, Wu tang, jazz rock et en musique actuelle, j’aime quand ça se mélange où c’est très racé… Ce que j’aime dans le rock est ce que j’aime dans le rap et vice versa, oui, ces artistes qui portent quelque chose de contestataire, d’assez urgent avec cette violence dans une densité et j’aime tout autant la finesse du jazz, pour moi la finesse du jazz est dans la musique de fela kuti à la écrite et étonnamment libre.. et puis la chanson française, parce que c’est ma langue, on a des putains d’auteurs, la magie des mots, ça emporte… Nougaro aussi.
KS: N’y aurait t il pas un petit peu de Bjork dans l’interprétation de ta musique?
B : J’adore Bjork, elle a une voix sublime, son lyrisme, j’aime l’espace qu’elle prend avec son lyrisme qui me touche beaucoup et tu vois, mon homme trouve ça déprimant, quand j’ai envie de me recharger, ouvrir les poumons, je mets Bjork, lui aime bien le ragga dub.
Si j’ai envie d’un truc plein d’énergie, je me mets un gros rap ou un gros rock! Donc sur le rock, on se rejoint par ailleurs.
KS : Une influence, un truc un peu reggae musicalement, africain?
B : Les chiens font pas des chats, j’ai pas une fibre Bachienne ou Mozartzienne mais profondément ce que je mange à la maison ça a toujours groové, c’est en moi.
KS : Tu es jeune maman, comment vis tu ça?
B: Je suis jeune maman, nos enfants sont petits donc on apprend tous les jours, c’est pareil que parents et travailleurs, on a un boulot, on est des sociétés où le travail est le premier statut social, ça laisse peu de place à la part familiale et spirituelle et donc il faut être ultra vigilant, en alerte sur ses priorités et pas se laisser déborder.Si on veut passer du temps avec ses enfants, ça tombe pas du ciel, ça s’arrache, quitte à faire des croix sur certaines choses, faire des choix de vie. C’est le propre de l’homme d’être 4×4, multi terrain, c’est la société qui nous enferme… On court après la croissance, la production, y’a plein du chômage par ailleurs et est ce que c’est normal de partir de chez soi à 7h et de revenir à 19h ou plus tard le soir? Question : on a des enfants, on les aura vu 30 minutes le matin et une heure le soir.
Pour moi non…Est ce qui si on partageait le temps de travail, si on baissait le coût de la vie, ne serait on pas plus heureux? Je pense que oui.
KS : Est ce qu’il n’y aurait pas des choses à inventer, à créer pour l’éducation des enfants, quelque chose de plus fluide entre les différents acteurs en charge de cette éducation?
B: Je trouve ça assez triste que, dans nos sociétés, on passe si peu de temps enfants avec nos parents.Y’a des enfants, à trois mois, la maman reprend le boulot…. Alors, y’en a pour qui c’est un profondément un choix de reprendre le travail mais y’en a aussi, majoritairement, qui préféreraient passer plus de temps avec leurs enfants y compris les papas. Je sais pas peut être envisager des boulots où on pourrait avoir nos enfants avec nous, un lieu réservé pour eux…Je sais pas…
Un jour, mon papa m’a dit, les larmes aux yeux, » tu sais la chose la plus dure dans la vie c’est d’élever des enfants ».On jongle et on invente si on veut bien s’écouter sinon on suit le rail. Aujourd’hui que je suis maman, je confirme. Si on veut essayer transmettre et vivre quelque chose d’un peu précieux et personnel, la marginalité nous guette, après faut pouvoir l’assumer.
Malheureusement, c’est pas donner à tout le monde ; adultes/enfants, y’a un vrai truc à creuser.
KS : On note chez les enfants un gros déficit d’attention assez marquant dan sla formation de son caractère, au delà de la notion de frustration?
B : Déjà, on est dans un drôle de monde, de société, le grand craint le petit. ça m’a toujours beaucoup, interrogée de voir des scènes de vie sur Paris, voilà ce regard sur ses enfants « sauvageons, racailles », au lieu de remettre en question la façon d’éduquer, le cadre, au lieu de remettre en question notre monde, nos valeurs, on pointe du doigt les ados et c’est pas l’adulte qui s’interroge sur sa façon d’agir et de traiter les enfants et ça me pose problème.
Un enfant reste enfant, ça peut être une génération 15 ans 1 mètre 97, ça reste un enfant et il a besoin de deux seules choses : d’amour et de joie, c’est pas l’argent et le confort sinon les enfants du Tiers serait malheureux, les gens n’ont qu’à voyager, ils verront que non.
KS : Femme dans le monde, femme dans le rap?
B : femme le monde, femme… ça craint, c’est pourtant si chouette à être, je suis ravie d’être une femme mais c’est pas facile et c’est pas gagné ou alors, si t’es une meuf douce, fragile, vulnérable coquette, souriante, plante qu’on pose sur les magazines, qui fait ses cheveux dont le seul rêve est d’avoir une belle paire de bougoutains, un mec qui a un 4×4; il suffit de te trouver un mec riche, ça va glisser si tu es ce genre de femme mais tu veux juste être toi même, ronde de plein de choses, c’est plus compliqué, si en plus t’es grande gueule alors que juste exprimer n ‘est pas forcément être une grande gueule mais juste appeler un chat un chat, ce qu’on peut trouver charmant chez un homme et tout de suite quand t’es une femme, c’est du genre elle parle comme un bonhomme, blabli et blabla…
Les droits des femmes, nos féministes se sont battues et rien qu’en Europe on veut faire reculer nos droits, c’est flippant… Fort heureusement, les femmes qui sont dans ma vie, je m’y identifie totalement, elles sont belles mais quand je dis belles, de belles âmes, c’est qu’elles s’aiment et elles ont confiance en elles et elles se battent pour leur trucs, qu’on cautionne ou pas, ce sont des aventurières.
Femme dans la musique, c’est pareil que femme dans le monde.Une femme dans le milieu du hip hop, du rap, pas plus contraignant qu’ailleurs, que dans le milieu de la chanson. Cite moi une grande chanteuse de la chanson française, qui soit grand public, une auteure engagée, je parle pas des projets intimistes, scènes alternatives – y’en a plein et qui font ce qu’elles veulent faire, ce qu’elles ont à faire- une femme un peu rock n roll, un peu libre qui vient pas que pour sourire ou pour montrer qu’elle fait un 38 et un 95 D et qu’elle couine bien, moi j’en connais pas…
Peu importe le style de musique, dès qu’il y a des mots et