Comment vous êtes-vous rencontrés ?
S : On se connaît depuis plus de 20 ans, il habite à coté de mon ancien quartier. Il faisait beaucoup de freestyle dans une cave et moi, je connaissais un ami à eux qui m’y amenait pour rapper avec eux.
Comment vous est venue l’idée de faire un projet ensemble ?
R : C’est un membre de l’équipe qui a proposé de faire un projet ensemble et l’idée a parlé directement à tout le monde. C’était quelque chose d’inédit, une combinaison nouvelle et le projet était intéressant dans la manière de la préparer et au niveau de la scène rap marseillaise et ça faisait longtemps qu’il y avait eu un projet attendu comme celui-là. Pour toutes les autres bonnes raisons qui en découlent… on l’a fait.
Comment travaillez vous ensemble ?
S : Un travail spécial, déjà c’est un album fait en 20 jours. Lui, il travail et moi, j’étais en tournée. On s’est organisé d’une manière un peu différente, on a tout fait chez moi, le jour il était au travail et moi je faisais mes trucs en studio et le soir, on revenait pour enregistrer. On a rien calculé, tout était fait à l’instinct, la prod arrivait, on avait une idée, on enregistrait et on validait ! On n’avait vraiment que 20 jours donc il fallait aller vite.
Pourquoi un délai de 20 jours… ?
S : Déjà ce projet là n’a pas de gros objectif. On a voulu faire cet album pour se faire plaisir comme Jay-z et Kanye West ou Eminem et Royce da 5’9. On n’a pas choisi le délai. Moi, je prépare l’album des Psy4 et lui, c’est officiel, va commencer à travailler sur son album solo donc pour qu’on puisse sortir l’album des Psy4 en novembre, il fallait qu’on s’y mette maintenant. J’avais de la chance Vinz et Alonzo sont occupés à finir leurs albums et pour que REDK puisse enchaîner sur le solo, en début d’année prochaine, ça nous laissait un délai de 20 jours environ, on n’avait pas plus. D’ailleurs une des contraintes des 20 jours, c’est qu’il (REDK) avait le nez bouché… on se disait « la session est foutue » et le lendemain, c’était la même chose. On a du faire avec…
Comment trouvez-vous l’inspiration tout en enchaînant les projets ?
S : Le plaisir…
R : C’est ça, déjà dans ce genre de projet, chaque projet te reboost après c’est la vie qui te donne matière à écrire. C’est un éternel recommencement qui se renouvelle à chaque fois
S : Même dans le style, on a fait des morceaux comme « Meskine » qui a un style très « Rickrocksien » très égotrip on enchaîne avec « J’ai vu » qui est conscient après un morceau « Pause » qui est plus « cool ». Pour avoir de l’inspiration tout le temps, on change régulièrement d’univers. Comme ça, quand on revient sur un univers déjà travaillé, on revient « avec les dents » comme on dit. Ça nous permet de nous renouveler, ce genre d’expérience.
Vous parlez d’inspiration et vous citez régulièrement des séries, des films dans vos textes. Pour vous, la série du moment ?
S : Pour moi comme pour lui, LA série ou la série « éternelle » comme on dit, c’est « The wire », je… (Réfléchis), j’ai pas de mot pour la décrire… en fait.
R : C’est juste culte, il faut la voir, la comprendre pour voir le génie de la série. Comment ça a été réalisé, c’est tout simplement énorme ! C’est d’ailleurs monsieur Soprano qui me l’a recommandé parce que c’est le fournisseur officiel de série du groupe.
S : Ah oui, je suis un drogué des séries, justement hier soir pendant qu’il dormait, j’ai encore regardé une autre série. (rires) Bref. On aime beaucoup « The wire » parce qu’elle représente bien la société actuelle. Dans toutes les couches sociales.
R : Quand tu analyses, la série parle des ghettos, des jeunes dans la pauvreté qui n’ont que la drogue comme issue de secours. De ceux qui veulent s’agrandir comme « Stringer Bell » ensuite tu as encore la vision de la police et même dans la police, tu as la vision du père divorcé, tu as vraiment toutes les classes sociales.
S : Avec tous les bons et mauvais côtés, c’est ça qui fait la série.
Votre film du moment
S : Je n’ai pas été au cinéma depuis longtemps mais le dernier film du moment, comme beaucoup de monde vu qu’il cartonne, c’est Intouchable avec Omar Sy.
R : Pareil
Votre album du moment
S : Quand on a fait ce Disque, notre album du moment, c’était Eminem et Royce da 59 ou sinon les derniers qui sont sortis Youssoupha, Sexion d’Assaut pour la France et en américain, ça fait longtemps que je n’ai pas écouté des disques américains… holala, c’était Drake « Take Care » .
Que veut dire le titre E=2MC’s ?
R : On a l’habitude de comparer notre studio à un laboratoire, tous les jours on disait « on va au labo » et un jour c’est sorti. C’est le jeu de mot évident avec la célèbre formule E=MC² de Albert Einstein mais pour nous, le sens c’est lui et moi, les deux Mcs ensemble (2MC) donne un album d’explosif (E.)
Dans l’école du rap. Si il y avait des cours pour devenir un bon Mc, lequel conseillerez-vous ?
S : Lui ou moi, on fait beaucoup d’atelier, lui est parrain pour certains ateliers d’écriture mais la meilleur école pour rapper, c’est ta propre vie, ta propre expérience. Il n’y a pas d’école à part sa propre école.
R : Pour tout le côté technique après, tu as quand même ce côté « tu l’as ou tu l’as pas… ». Certains pourront rester des heures et des heures devant le micro, ils n’arriveront pas à poser dans les temps, à avoir du flow. Après chacun à sa propre école comme il l’a dit.
S’il y avait un professeur pour cette école, lequel conseillerez-vous ?
S : En professeur, franco du début du rap jusqu’à aujourd’hui : Akhenaton ! Parce qu’il a tout tenté, il a fait des textes philosophiques, d’autres très rue, d’autres encore marrants. En plus il a un bon niveau en flow, technique. Il a mené sa carrière d’une manière exemplaire, il vit de sa passion avec le noyau de la famille. Il a monté des labels pour faire découvrir des artistes comme les Psy4 de la Rime, la Fonky Family. Je pense que pour tout ça, il pourrait être un des meilleurs professeurs de rap.
R : Déjà pour être professeur, il faut l’expérience donc je pense qu’il n’y a que les anciens comme lui qui peuvent prétendre à ce titre de professeur.
Dans un de vos textes vous dites « Pour ceux qui pensent que le rap marseillais a coulé ? » Vous pensez que le rap marseillais est toujours sous-estimé ?
S : Ce n’est pas le rap marseillais pour moi, c’est le rap provincial qui est sous-estimé parce que tout se trouve à Paris. Les radios, les magazines sont à Paris et du coup pour les artistes provinciaux, les médias n’ont pas le temps de les découvrir, par exemple pour REDK, la plupart pense qu’il vient d’arriver alors qu’il a commencé à la même période que moi. Une phase m’a beaucoup faite rire, c’est « Les gens pensent que je suis un rookie alors que je suis en fin de carrière. ». Le rap de province est sous-estimé principalement parce qu’il n’est pas connu.
R : Même si il y a des talents en province, même si certains Mc’s sont bons, il n’y a personne pour les mettre en avant…
S : Par exemple, moi à Marseille avec mes petites épaules, je ne peux pas mettre en avant tout le monde, je ne peux pas sortir tout le monde. Je fais au mieux, J’aurais pu rester chez moi, ne m’occuper que de moi, déménager dans un autre pays mais non j’essaie de faire justement comme professeur Akhenaton a fait, passer le relais à d’autres artistes mais on est tellement loin de ce qui se fait ici que malgré tous les CDs que j’ai vendu, je ne fais pas le poids.
Il y a des rappeurs en province, ce sont des assassins ! Et tout le monde sait qu’il tue mais il n’aura qu’un petit buzz dans sa ville. Il sortira son album qui sera bon dans sa ville et encore même là, peu de gens écouteront parce que quand tu ne passes pas en radio, tu n’es personne et à force l’album s’essouffle, la personne deviendra aigrie et il en voudra à la terre entière et deviendra aigri… c’est dommage.
Pour votre album, comment avez vous procédé pour l’écriture ?
R : On n’a rien écrit au sens propre du terme, tout s’est fait de manière instinctive. Dès qu’on avait une idée sur un son, on se la communiquait et on la validait ensemble puis chacun partait dans son coin.
S : Lui, il a toujours fonctionné comme ça alors que moi non, il y a quelques morceaux que j’avais fait comme ça mais jamais tout un album. Pour tout l’album, on notait dans notre tête et on allait les poser directement. Ça a posé des problèmes quand il a fallu déposer les textes à la SACEM parce qu’on n’avait rien sur papier. C’est une belle expérience, parce qu’en faisant cet album, la fluidité est venue très vite. Mais sinon il vaut mieux qu’il n’écrive pas vue son écriture… (rires)
Vous avez une vision assez pessimiste du monde mais un message positif, pour vous quelle est LA chose qui doit changer ?
S : Notre président (ndlr avant les élections), il y a beaucoup de chose pour rester dans l’actualité, cette récupération de l’histoire des meurtres à Toulouse, on en voit les conséquences. Rien que le fait de dire « il ne faut pas faire l’amalgame entre islamique et islam », rien que le fait de l’avoir dit, l’amalgame est fait. Maintenant et ça fait un moment que je le dis, c’est qu’il y a une fracture entre deux France et ça va créer des conflits. Plus les gens seront divisés, plus il y aura de tension, de guerre… j’ai toujours pensé que c’est en se mélangeant qu’on apprend de l’autre. Le racisme, c’est de l’ignorance, tu as peur de l’autre parce que tu le ne le connais pas.
R : C’est le fameux « diviser pour mieux régner », et quand tu élargis ta vision, c’est ce qu’il se passe partout. Tant que la philosophie sera de se dire qu’on va utiliser tel ou tel préjugé sur une communauté pour être élu, rien n’ira en s’arrangeant. Dans le morceau « A plume ouverte », je dis « je crains le pire mais j’aspire au meilleur », j’espère que tout cela s’arrangera mais j’ai peur que rien n’évolue.
Vous avez un morceau « Rap comme ça te chante », vous pensez qu’entre le rap et le chant, il y a un fossé ?
S : Oui, il y a un gros fossé entre la variété et le rap, regarde le rap est super présent dans les tops albums avec Sexion d’Assaut, Kery James, Tiers Monde, Sadek, Youssoupha, Disiz, Orelsan qui y sont présents… Le rap bousille les charts depuis des années mais dans la tête des personnes, nous ne sommes qu’une simple sous-culture. Je le sens parce que des fois je fais des plateaux télés ou des interviews pour Le Monde ou les autres journaux généralistes… Parce que j’ai été jury sur France 2 pour une émission donc ils se disent ce mec là est connu et quand ils apprennent que j’ai vendu 300.000 albums, ils sont surpris de voir qu’autant de monde l’écoute. La fissure entre le rap et le chant est énorme.
R : Par exemple aux Etats Unis, il n’y a pas de soucis pour que Kanye West travaille avec Coldplay alors qu’en France, jamais de la vie, un featuring Rohff, Booba avec un chanteur de variété, jamais de la vie pourtant il y a beaucoup de rappeur qui cherchent faire des combinaisons innovantes mais pour un chanteur de variété, le featuring avec le rappeur, c’est la ligne à ne pas franchir.
S : Je peux te le confirmer, « Chérie Coco » par exemple, il y a des radios qui voulaient passer le morceau sans mon couplet, pareil pour le morceau Corneille/La fouine, il y a des radios qui ne passent que les passages de Corneille. Par contre nous on se plaint de ne pas passer dans tel ou tel radio mais faut être honnête demain tu as Johnny Halliday qui passe sur Skyrock ou Génération, les gens ne seraient pas content. On n’est pas les victimes de la radio. Dans ce morceau justement on parle de cela, « fais ce qu’il te plaît et ne calcules rien… » Enfin c’est ma vision des choses.
Comment voyez-vous le rap dans une décennie, et en ferez vous toujours ?
R : Je ne sais pas mais je suis sûr que je vais stopper. J’ai l’impression que le rap se rétrécit même s’il se vend et que les tournées de rap s’enchaînent dans des grosses salles. Malgré tout ça, je trouve que les médias ou tous les autres moyens de communication qui pourraient faire vivre le rap ne s’y intéressent pas assez pour que ça puissent s’élargir, ils nous laissent un peu dans notre coin. J’ai l’impression que ça va s’essouffler.
S : J’ai l’impression aussi, je le dis souvent à des personnes qui sont un peu têtues mais « putain, c’est important de vendre des disques », ce n’est pas une question de s’enrichir, c’est important pour que ça continue à tourner. Parce qu’à un moment donné si tout le monde se met des œillères et se ferme, à un moment le rap coulera.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
S : On se connaît depuis plus de 20 ans, il habite à coté de mon ancien quartier. Il faisait beaucoup de freestyle dans une cave et moi, je connaissais un ami à eux qui m’y amenait pour rapper avec eux.
Comment vous est venue l’idée de faire un projet ensemble ?
R : C’est un membre de l’équipe qui a proposé de faire un projet ensemble et l’idée a parlé directement à tout le monde. C’était quelque chose d’inédit, une combinaison nouvelle et le projet était intéressant dans la manière de la préparer et au niveau de la scène rap marseillaise et ça faisait longtemps qu’il y avait eu un projet attendu comme celui-là. Pour toutes les autres bonnes raisons qui en découlent… on l’a fait.
Comment travaillez vous ensemble ?
S : Un travail spécial, déjà c’est un album fait en 20 jours. Lui, il travail et moi, j’étais en tournée. On s’est organisé d’une manière un peu différente, on a tout fait chez moi, le jour il était au travail et moi je faisais mes trucs en studio et le soir, on revenait pour enregistrer. On a rien calculé, tout était fait à l’instinct, la prod arrivait, on avait une idée, on enregistrait et on validait ! On n’avait vraiment que 20 jours donc il fallait aller vite.
Pourquoi un délai de 20 jours… ?
S : Déjà ce projet là n’a pas de gros objectif. On a voulu faire cet album pour se faire plaisir comme Jay-z et Kanye West ou Eminem et Royce da 5’9. On n’a pas choisi le délai. Moi, je prépare l’album des Psy4 et lui, c’est officiel, va commencer à travailler sur son album solo donc pour qu’on puisse sortir l’album des Psy4 en novembre, il fallait qu’on s’y mette maintenant. J’avais de la chance Vinz et Alonzo sont occupés à finir leurs albums et pour que REDK puisse enchaîner sur le solo, en début d’année prochaine, ça nous laissait un délai de 20 jours environ, on n’avait pas plus. D’ailleurs une des contraintes des 20 jours, c’est qu’il (REDK) avait le nez bouché… on se disait « la session est foutue » et le lendemain, c’était la même chose. On a du faire avec…
Comment trouvez-vous l’inspiration tout en enchaînant les projets ?
S : Le plaisir…
R : C’est ça, déjà dans ce genre de projet, chaque projet te reboost après c’est la vie qui te donne matière à écrire. C’est un éternel recommencement qui se renouvelle à chaque fois
S : Même dans le style, on a fait des morceaux comme « Meskine » qui a un style très « Rickrocksien » très égotrip on enchaîne avec « J’ai vu » qui est conscient après un morceau « Pause » qui est plus « cool ». Pour avoir de l’inspiration tout le temps, on change régulièrement d’univers. Comme ça, quand on revient sur un univers déjà travaillé, on revient « avec les dents » comme on dit. Ça nous permet de nous renouveler, ce genre d’expérience.
Vous parlez d’inspiration et vous citez régulièrement des séries, des films dans vos textes. Pour vous, la série du moment ?
S : Pour moi comme pour lui, LA série ou la série « éternelle » comme on dit, c’est « The wire », je… (Réfléchis), j’ai pas de mot pour la décrire… en fait.
R : C’est juste culte, il faut la voir, la comprendre pour voir le génie de la série. Comment ça a été réalisé, c’est tout simplement énorme ! C’est d’ailleurs monsieur Soprano qui me l’a recommandé parce que c’est le fournisseur officiel de série du groupe.
S : Ah oui, je suis un drogué des séries, justement hier soir pendant qu’il dormait, j’ai encore regardé une autre série. (rires) Bref. On aime beaucoup « The wire » parce qu’elle représente bien la société actuelle. Dans toutes les couches sociales.
R : Quand tu analyses, la série parle des ghettos, des jeunes dans la pauvreté qui n’ont que la drogue comme issue de secours. De ceux qui veulent s’agrandir comme « Stringer Bell » ensuite tu as encore la vision de la police et même dans la police, tu as la vision du père divorcé, tu as vraiment toutes les classes sociales.
S : Avec tous les bons et mauvais côtés, c’est ça qui fait la série.
Votre film du moment
S : Je n’ai pas été au cinéma depuis longtemps mais le dernier film du moment, comme beaucoup de monde vu qu’il cartonne, c’est Intouchable avec Omar Sy.
R : Pareil
Votre album du moment
S : Quand on a fait ce Disque, notre album du moment, c’était Eminem et Royce da 59 ou sinon les derniers qui sont sortis Youssoupha, Sexion d’Assaut pour la France et en américain, ça fait longtemps que je n’ai pas écouté des disques américains… holala, c’était Drake « Take Care » .
Que veut dire le titre E=2MC’s ?
R : On a l’habitude de comparer notre studio à un laboratoire, tous les jours on disait « on va au labo » et un jour c’est sorti. C’est le jeu de mot évident avec la célèbre formule E=MC² de Albert Einstein mais pour nous, le sens c’est lui et moi, les deux Mcs ensemble (2MC) donne un album d’explosif (E.)
Dans l’école du rap. Si il y avait des cours pour devenir un bon Mc, lequel conseillerez-vous ?
S : Lui ou moi, on fait beaucoup d’atelier, lui est parrain pour certains ateliers d’écriture mais la meilleur école pour rapper, c’est ta propre vie, ta propre expérience. Il n’y a pas d’école à part sa propre école.
R : Pour tout le côté technique après, tu as quand même ce côté « tu l’as ou tu l’as pas… ». Certains pourront rester des heures et des heures devant le micro, ils n’arriveront pas à poser dans les temps, à avoir du flow. Après chacun à sa propre école comme il l’a dit.
S’il y avait un professeur pour cette école, lequel conseillerez-vous ?
S : En professeur, franco du début du rap jusqu’à aujourd’hui : Akhenaton ! Parce qu’il a tout tenté, il a fait des textes philosophiques, d’autres très rue, d’autres encore marrants. En plus il a un bon niveau en flow, technique. Il a mené sa carrière d’une manière exemplaire, il vit de sa passion avec le noyau de la famille. Il a monté des labels pour faire découvrir des artistes comme les Psy4 de la Rime, la Fonky Family. Je pense que pour tout ça, il pourrait être un des meilleurs professeurs de rap.
R : Déjà pour être professeur, il faut l’expérience donc je pense qu’il n’y a que les anciens comme lui qui peuvent prétendre à ce titre de professeur.
Dans un de vos textes vous dites « Pour ceux qui pensent que le rap marseillais a coulé ? » Vous pensez que le rap marseillais est toujours sous-estimé ?
S : Ce n’est pas le rap marseillais pour moi, c’est le rap provincial qui est sous-estimé parce que tout se trouve à Paris. Les radios, les magazines sont à Paris et du coup pour les artistes provinciaux, les médias n’ont pas le temps de les découvrir, par exemple pour REDK, la plupart pense qu’il vient d’arriver alors qu’il a commencé à la même période que moi. Une phase m’a beaucoup faite rire, c’est « Les gens pensent que je suis un rookie alors que je suis en fin de carrière. ». Le rap de province est sous-estimé principalement parce qu’il n’est pas connu.
R : Même si il y a des talents en province, même si certains Mc’s sont bons, il n’y a personne pour les mettre en avant…
S : Par exemple, moi à Marseille avec mes petites épaules, je ne peux pas mettre en avant tout le monde, je ne peux pas sortir tout le monde. Je fais au mieux, J’aurais pu rester chez moi, ne m’occuper que de moi, déménager dans un autre pays mais non j’essaie de faire justement comme professeur Akhenaton a fait, passer le relais à d’autres artistes mais on est tellement loin de ce qui se fait ici que malgré tous les CDs que j’ai vendu, je ne fais pas le poids.
Il y a des rappeurs en province, ce sont des assassins ! Et tout le monde sait qu’il tue mais il n’aura qu’un petit buzz dans sa ville. Il sortira son album qui sera bon dans sa ville et encore même là, peu de gens écouteront parce que quand tu ne passes pas en radio, tu n’es personne et à force l’album s’essouffle, la personne deviendra aigrie et il en voudra à la terre entière et deviendra aigri… c’est dommage.
Pour votre album, comment avez vous procédé pour l’écriture ?
R : On n’a rien écrit au sens propre du terme, tout s’est fait de manière instinctive. Dès qu’on avait une idée sur un son, on se la communiquait et on la validait ensemble puis chacun partait dans son coin.
S : Lui, il a toujours fonctionné comme ça alors que moi non, il y a quelques morceaux que j’avais fait comme ça mais jamais tout un album. Pour tout l’album, on notait dans notre tête et on allait les poser directement. Ça a posé des problèmes quand il a fallu déposer les textes à la SACEM parce qu’on n’avait rien sur papier. C’est une belle expérience, parce qu’en faisant cet album, la fluidité est venue très vite. Mais sinon il vaut mieux qu’il n’écrive pas vue son écriture… (rires)
Vous avez une vision assez pessimiste du monde mais un message positif, pour vous quelle est LA chose qui doit changer ?
S : Notre président (ndlr avant les élections), il y a beaucoup de chose pour rester dans l’actualité, cette récupération de l’histoire des meurtres à Toulouse, on en voit les conséquences. Rien que le fait de dire « il ne faut pas faire l’amalgame entre islamique et islam », rien que le fait de l’avoir dit, l’amalgame est fait. Maintenant et ça fait un moment que je le dis, c’est qu’il y a une fracture entre deux France et ça va créer des conflits. Plus les gens seront divisés, plus il y aura de tension, de guerre… j’ai toujours pensé que c’est en se mélangeant qu’on apprend de l’autre. Le racisme, c’est de l’ignorance, tu as peur de l’autre parce que tu le ne le connais pas.
R : C’est le fameux « diviser pour mieux régner », et quand tu élargis ta vision, c’est ce qu’il se passe partout. Tant que la philosophie sera de se dire qu’on va utiliser tel ou tel préjugé sur une communauté pour être élu, rien n’ira en s’arrangeant. Dans le morceau « A plume ouverte », je dis « je crains le pire mais j’aspire au meilleur », j’espère que tout cela s’arrangera mais j’ai peur que rien n’évolue.
Vous avez un morceau « Rap comme ça te chante », vous pensez qu’entre le rap et le chant, il y a un fossé ?
S : Oui, il y a un gros fossé entre la variété et le rap, regarde le rap est super présent dans les tops albums avec Sexion d’Assaut, Kery James, Tiers Monde, Sadek, Youssoupha, Disiz, Orelsan qui y sont présents… Le rap bousille les charts depuis des années mais dans la tête des personnes, nous ne sommes qu’une simple sous-culture. Je le sens parce que des fois je fais des plateaux télés ou des interviews pour Le Monde ou les autres journaux généralistes… Parce que j’ai été jury sur France 2 pour une émission donc ils se disent ce mec là est connu et quand ils apprennent que j’ai vendu 300.000 albums, ils sont surpris de voir qu’autant de monde l’écoute. La fissure entre le rap et le chant est énorme.
R : Par exemple aux Etats Unis, il n’y a pas de soucis pour que Kanye West travaille avec Coldplay alors qu’en France, jamais de la vie, un featuring Rohff, Booba avec un chanteur de variété, jamais de la vie pourtant il y a beaucoup de rappeur qui cherchent faire des combinaisons innovantes mais pour un chanteur de variété, le featuring avec le rappeur, c’est la ligne à ne pas franchir.
S : Je peux te le confirmer, « Chérie Coco » par exemple, il y a des radios qui voulaient passer le morceau sans mon couplet, pareil pour le morceau Corneille/La fouine, il y a des radios qui ne passent que les passages de Corneille. Par contre nous on se plaint de ne pas passer dans tel ou tel radio mais faut être honnête demain tu as Johnny Halliday qui passe sur Skyrock ou Génération, les gens ne seraient pas content. On n’est pas les victimes de la radio. Dans ce morceau justement on parle de cela, « fais ce qu’il te plaît et ne calcules rien… » Enfin c’est ma vision des choses.
Comment voyez-vous le rap dans une décennie, et en ferez vous toujours ?
R : Je ne sais pas mais je suis sûr que je vais stopper. J’ai l’impression que le rap se rétrécit même s’il se vend et que les tournées de rap s’enchaînent dans des grosses salles. Malgré tout ça, je trouve que les médias ou tous les autres moyens de communication qui pourraient faire vivre le rap ne s’y intéressent pas assez pour que ça puissent s’élargir, ils nous laissent un peu dans notre coin. J’ai l’impression que ça va s’essouffler.
S : J’ai l’impression aussi, je le dis souvent à des personnes qui sont un peu têtues mais « putain, c’est important de vendre des disques », ce n’est pas une question de s’enrichir, c’est important pour que ça continue à tourner. Parce qu’à un moment donné si tout le monde se met des œillères et se ferme, à un moment le rap coulera.