Les rappeurs et le coronavirus
avril 7, 2020 (No Comments) by Bongo

EMMA LEE - MPD PLAY BY MONIFAH PERRY

Du rappeur multi-platine Booba qui se découvre une fibre de journaliste, au petit Zyad, 6 ans, nous mettant en garde contre le « Corona Poison », les réactions de la sphère hip-hop sont d’une riche diversité. Et montrent que chacun vit la pandémie à sa façon, en essayant de sauver ses plumes.

– Par Laurent Perrin

L’annonce du confinement nous a tous sonnés. Certains peut-être plus que d’autres. C’est le cas de la rappeuse new-yorkaise Emma Lee. Pour échapper à l’anxiété et la dépression qu’une telle situation aurait pu provoquer, elle s’est servie de son art comme catharsis. En s’adressant personnellement au virus dans « Dear Corona », elle le rend encore plus vivant. « Comme nous sommes tous concernés, à l’échelle mondiale, c’est un peu comme s’il s’agissait d’une personne, alors que c’est seulement un virus, et non une chose vivante », explique l’artiste née en Ouganda et confinée à Brooklyn, dans un studio d’enregistrement.

Confus donc manipulables

Pour elle, l’écriture de ce morceau a commencé comme une thérapie, lui permettant de trouver du sens à ce qu’elle traverse. « À ce moment-là, quand le Covid-19 a frappé, je travaillais énormément. J’enchaînais deux boulots tout en préparant mon album. Le confinement m’a obligé à ralentir, à me poser, même si je continue à pas mal bosser », explique la rappeuse. Longtemps restée dans l’ombre, dans des chorales ou pour des travaux de films, Emma Lee estime que c’est l’heure pour elle de s’exposer. Elle n’est pas sans rappeler M-1 de Dead Prez, avec qui elle a d’ailleurs partagé des scènes.

Concernant la réponse de son gouvernement à la pandémie, l’ex-étudiante en sciences politiques note que « tant que les gens sont dans la confusion, ils restent manipulables ». Méfiance donc, mais pas d’attaque gratuite. « C’est facile de se moquer de Trump, et de ne pas voir tout ce qu’ils font au sommet de l’Etat. Il y a tellement de choses dont les gens ne sont pas au courant ». Pour elle, le confinement prolongé ne serait pas une bonne chose, car les gens deviendraient dépendants du gouvernement, comme par le passé. « Et nous ne voulons pas aller en arrière. Nous voulons aller de l’avant », conclut-elle.

Le clip « Dear Corona » de Emma Lee

Le « following » de Booba

Alors que de nombreuses personnes boudent encore le confinement, le rappeur Booba s’est découvert une fibre journalistique. Il a mis en ligne une émission de 26 minutes, dans laquelle il interview notamment un éducateur. Celui-ci part à la rencontre des habitants de son quartier et leur rappelle l’importance de rester chez eux.

L’ex-Lunatic enchaîne avec une interview de l’ancien directeur central du renseignement intérieur français. À grand renfort de punchlines assassines et d’images glanées sur le net, l’artiste multi-platine estime que dans cette « guerre », beaucoup vont perdre des proches. Se servant de son « following » pour que chacun mesure la gravité de la situation, il invite les médias à diffuser davantages d’images choquantes.

L’émission de Booba « Corona Time »

La rage du brancardier

De ce côté-ci de l’Atlantique, on prend les choses avec tout autant de sérieux. Un rappeur installé dans le Cantal a fait le buzz avec une vidéo où il déplore la situation des services hospitaliers français. Son nom : Mr Chépair, du What Else Crew. « Ça fait longtemps, nous explique le brancardier, que l’Etat abandonne le secteur médical. C’est courant de voir des collègues pleurer, parce qu’on les néglige. » Elevés un peu trop vite au rang de héros, alors que « la guerre » n’est pas finie, ceux-ci n’en demandaient pas tant.

« Écrire sur ce thème, j’y pensais depuis longtemps, explique Mr Chépair. L’étincelle, ça a été le discours de Macron ». Pleine d’âme et de sincérité, sa vidéo, toutes plateformes confondues, a cumulé près de 4 millions de vues, là où il dépasse rarement avec ses autres vidéos les 50 000 vues. « Buzzer en crachant sur l’Etat, c’est un beau pied de nez », reconnait-il, même s’il n’est pas trop fan de ce « nouveau » principe de se faire connaître par la vidéo. « C’est injuste pour ceux qui font de la scène », estime le rappeur qui privilégie le format live, bien qu’il ait « plusieurs albums dans la boite ».

La lettre au président de Mr Chépair du What Else Crew

« On va tous mourir »

Plus léger mais touchant également, Zyad, 6 ans, apporte sa pierre à l’édifice. Le petit enfant voit le confinement avec une jolie note d’humour. On s’en doute, il y a un papa derrière ce « Corona Poison », il s’agit du rappeur Daoud. Celui-ci témoigne : « ça part d’un délire entre père et fils. Comme la vidéo avait bien marché sur les réseaux sociaux, on a décidé d’en faire une version longue sur Youtube. Mais je ne sais pas faire les choses à l’arrache. On a bossé ça comme en atelier d’écriture, c’est à dire en discutant ensemble pour faire sortir les idées, avant de les reformuler ».

Le petit Zyad grandit à la maison entouré de musique, et c’est tout naturellement qu’il a sollicité son papa pour mettre des mots sur ses émotions. « On l’a privé de son école. Donc il faut bien qu’on lui explique ce qui se passe en ce moment, explique le papa ému. Dans sa petite tête il comprend beaucoup de choses, il gère ça à sa façon. » Quelques prises plus tard, c’était dans la boite, et sur le net, avec une petite référence à Jamel Debbouze, parfaite pour dédramatiser.

Le clip « Corona Poison » de Zyad, 6 ans

Et en « bonus track » le clip de E2, « Petite planète »

Photo de une © Monifa Perry

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Du rappeur multi-platine Booba qui se découvre une fibre de journaliste, au petit Zyad, 6 ans, nous mettant en garde contre le « Corona Poison », les réactions de la sphère hip-hop sont d’une riche diversité. Et montrent que chacun vit la pandémie à sa façon, en essayant de sauver ses plumes.

– Par Laurent Perrin

L’annonce du confinement nous a tous sonnés. Certains peut-être plus que d’autres. C’est le cas de la rappeuse new-yorkaise Emma Lee. Pour échapper à l’anxiété et la dépression qu’une telle situation aurait pu provoquer, elle s’est servie de son art comme catharsis. En s’adressant personnellement au virus dans « Dear Corona », elle le rend encore plus vivant. « Comme nous sommes tous concernés, à l’échelle mondiale, c’est un peu comme s’il s’agissait d’une personne, alors que c’est seulement un virus, et non une chose vivante », explique l’artiste née en Ouganda et confinée à Brooklyn, dans un studio d’enregistrement.

Confus donc manipulables

Pour elle, l’écriture de ce morceau a commencé comme une thérapie, lui permettant de trouver du sens à ce qu’elle traverse. « À ce moment-là, quand le Covid-19 a frappé, je travaillais énormément. J’enchaînais deux boulots tout en préparant mon album. Le confinement m’a obligé à ralentir, à me poser, même si je continue à pas mal bosser », explique la rappeuse. Longtemps restée dans l’ombre, dans des chorales ou pour des travaux de films, Emma Lee estime que c’est l’heure pour elle de s’exposer. Elle n’est pas sans rappeler M-1 de Dead Prez, avec qui elle a d’ailleurs partagé des scènes.

Concernant la réponse de son gouvernement à la pandémie, l’ex-étudiante en sciences politiques note que « tant que les gens sont dans la confusion, ils restent manipulables ». Méfiance donc, mais pas d’attaque gratuite. « C’est facile de se moquer de Trump, et de ne pas voir tout ce qu’ils font au sommet de l’Etat. Il y a tellement de choses dont les gens ne sont pas au courant ». Pour elle, le confinement prolongé ne serait pas une bonne chose, car les gens deviendraient dépendants du gouvernement, comme par le passé. « Et nous ne voulons pas aller en arrière. Nous voulons aller de l’avant », conclut-elle.

Le clip « Dear Corona » de Emma Lee

Le « following » de Booba

Alors que de nombreuses personnes boudent encore le confinement, le rappeur Booba s’est découvert une fibre journalistique. Il a mis en ligne une émission de 26 minutes, dans laquelle il interview notamment un éducateur. Celui-ci part à la rencontre des habitants de son quartier et leur rappelle l’importance de rester chez eux.

L’ex-Lunatic enchaîne avec une interview de l’ancien directeur central du renseignement intérieur français. À grand renfort de punchlines assassines et d’images glanées sur le net, l’artiste multi-platine estime que dans cette « guerre », beaucoup vont perdre des proches. Se servant de son « following » pour que chacun mesure la gravité de la situation, il invite les médias à diffuser davantages d’images choquantes.

L’émission de Booba « Corona Time »

La rage du brancardier

De ce côté-ci de l’Atlantique, on prend les choses avec tout autant de sérieux. Un rappeur installé dans le Cantal a fait le buzz avec une vidéo où il déplore la situation des services hospitaliers français. Son nom : Mr Chépair, du What Else Crew. « Ça fait longtemps, nous explique le brancardier, que l’Etat abandonne le secteur médical. C’est courant de voir des collègues pleurer, parce qu’on les néglige. » Elevés un peu trop vite au rang de héros, alors que « la guerre » n’est pas finie, ceux-ci n’en demandaient pas tant.

« Écrire sur ce thème, j’y pensais depuis longtemps, explique Mr Chépair. L’étincelle, ça a été le discours de Macron ». Pleine d’âme et de sincérité, sa vidéo, toutes plateformes confondues, a cumulé près de 4 millions de vues, là où il dépasse rarement avec ses autres vidéos les 50 000 vues. « Buzzer en crachant sur l’Etat, c’est un beau pied de nez », reconnait-il, même s’il n’est pas trop fan de ce « nouveau » principe de se faire connaître par la vidéo. « C’est injuste pour ceux qui font de la scène », estime le rappeur qui privilégie le format live, bien qu’il ait « plusieurs albums dans la boite ».

La lettre au président de Mr Chépair du What Else Crew

« On va tous mourir »

Plus léger mais touchant également, Zyad, 6 ans, apporte sa pierre à l’édifice. Le petit enfant voit le confinement avec une jolie note d’humour. On s’en doute, il y a un papa derrière ce « Corona Poison », il s’agit du rappeur Daoud. Celui-ci témoigne : « ça part d’un délire entre père et fils. Comme la vidéo avait bien marché sur les réseaux sociaux, on a décidé d’en faire une version longue sur Youtube. Mais je ne sais pas faire les choses à l’arrache. On a bossé ça comme en atelier d’écriture, c’est à dire en discutant ensemble pour faire sortir les idées, avant de les reformuler ».

Le petit Zyad grandit à la maison entouré de musique, et c’est tout naturellement qu’il a sollicité son papa pour mettre des mots sur ses émotions. « On l’a privé de son école. Donc il faut bien qu’on lui explique ce qui se passe en ce moment, explique le papa ému. Dans sa petite tête il comprend beaucoup de choses, il gère ça à sa façon. » Quelques prises plus tard, c’était dans la boite, et sur le net, avec une petite référence à Jamel Debbouze, parfaite pour dédramatiser.

Le clip « Corona Poison » de Zyad, 6 ans

Et en « bonus track » le clip de E2, « Petite planète »

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