Rendez-vous à 19h07 chez Djeep ou JP Manova, entrevue fresh !
octobre 28, 2016 (No Comments) by kingsiroko

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Introduction :

19H07, c’est dernière déjà moi, vu à L’international pour une super prestation live, bien punchy, bon, en revanche, mon rendez-vous sera un peu comme son album, pas à une heure fixe mais suivant le cours des évènements, Tram puis RER, j’ai du chemin pour aller jusque dans le 9.4., direction Cachan où je vais retrouver l’intimité, la demeure, le repère de JP Manova…

Ce dernier m’accorde le privilège (mais je suis le King !) d’être reçu avec les honneurs, très chaleureusement et toute simplicité à domicile, je suis dans le Blue du Studio, entouré de machines, disques et appareils servant à composer de la musique Hip-Hop avec cet esprit Soul et la finesse du Jazz mais le côté excentrique, libéré et ferme de la Funky Music qui faite transpirer sur la piste et son disque ne m’a vraiment pas laissé indifférent, n’étant pas le seul et ayant noté quelques morceaux remarquables par leurs textes et la musicalité des instrumentales, je suis un peu sous le charme, mettons ça de côté pour creuser un peu et étudier le cas Manova…

Un mc au rap mené avec intelligence (et appuyé par MC Solaar et déjà entendu aux côtés de Gynéco), précision, agilité verbale dans l’élan d’un esprit critique au style original, terriblement bien senti, la voix interpelle, je me repasse des passages entiers qui me font tripper ! Je le promets, un bon cru…allez, arrête de faire le fan mister Siroko…

J’enclenche le record sur mon fidèle compagnon portable en sale état mais fonctionnel, tenons nous en à l ‘essentiel, longue intro mais y’a de la matière grise derrière !
No School, c’est parti !

Tout d’abord : Bonne année, bonne santé

KS : Peux faire une brève présentation de ton toi et ton univers en quelques mots ?

JPM : Un esprit libre dans le Hip-Hop français qui se revendique pas spécialement d’une école, qui les connaît un peu toutes et qui les respecte, un mec qui cherche à expérimenter, un travailleur, un besogneux, un perfectionniste qui travaille sur sa formule depuis longtemps et qui se remet régulièrement en question, qui cherche à être heureux, un peu comme les gens qu’il écoute.

KS : ça fait longtemps que tu rappes et composes ?

JPM : Longtemps c’est relatif, tu vois, la dernière, j’ai croisé des jazzman qui font de la musique depuis 40 ans… et je viens de commencer pour eux !

J’en ai fait une grande partie de ma vie, j’ai une trentaine bien tassée, j’ai commencé avant 20 ans, j’ai posé sur le disque de Doc Gynéco.

Je me sentais prêt de sortir le mien l’année dernière maintenant pour des questions de développement personnel, de volonté personnelle, je pense que dans mon public y’a des gens dont j’aurai pu être le père. Je pense qu’il faille en faire tout un plat

KS : T’es plus sur la qualité?

JPM : Oui et un moment donné, j’ai eu de quoi faire plusieurs disques et j’ai toujours gardé en tête de partager ça avec les gens, de sortir et les choses se sont accélérées d’un coup fin 2014 avec la volonté d’y aller, je me sentais assez prêt et assez armé pour ça mais j’ai pas passé 15 ans à réfléchir quand et comment faire pour sortir un skeud entre la fois où j’ai pris pour la première fois un micro et la sortie de mon disque. J’ai vu des collègues le faire, des carrières se monter, se briser, se développer, des espoirs récompensés, déçus, j’ai fait un peu le tour de la question.

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KS : Y’a t-il une raison expliquant le choix du moment de la sortie?

JPM : L’alignement des planètes?… (rires), non, je sens que…un mouvement comme le rap en France, notamment le rap au sein du Hip-Hop, c’est assez délicat… et ça a été assez délicat pour moi pendant mal de temps de me dire que j’allais en faire réellement car je voyais ce que c’était en train de devenir et ça me plaisait pas. Et quand t’as passé un certain âge, t’as voyagé, t’as travaillé, t’as gambergé, tu commences à t’en foutre, tu te permets beaucoup plus de choses, tu t’affranchis du regard des autres, de la pression du groupe et t’as une maturité qu’il est bon d’injecter dans le rap et aujourd’hui les gens de ma génération ont un peu ce pouvoir : ne pas faire ce que le groupe ou la masse demande, quand tu es plus jeune, il y a un effet de groupe, la dictature du groupe on peut pas vraiment échapper à ça, on peut pas leur en vouloir… Maintenant, moi, est ce que j’ai voulu appartenir à ça? pas vraiment… est ce que je me reconnaissais là-dedans ? Pas vraiment, en fait, j’avais assez de maturité pour amener une forme de rap qui se revendique pas d’une école ou d’une filiation autre que celle de mes potes et puis c’est ce qui fait qu’à mes concerts, je peux avoir des rappeurs très différents à mes côtés et ça fait pas tâche, ça fait pas bizarre, y’a un peu de tout ça dans ce que je fais.

KS : Quelles sont tes influences musicales?

JPM : J’ai un spectre large, j’ai une mère qui avait une platine vinyle et qui aimait beaucoup la musique, elle avait des disques de Georges Benson, de musique brésilienne, de musique classique, j’ai une grande soeur qui a 4 ans de plus que moi, un grand frère qui a dix ans de plus que moi et quand j’étais petit, j’écoutais ce qu’ils écoutaient, ils étaient dans des influences différentes, certains étaient dans la new wave, ma soeur était fan de U2, elle écoutait les choses un peu rock, de la période années 90, The Cure, donc c’était large… le côté « black music » par ma mère, le côté musique pop- rock, musique électro par mes grands frères et soeurs, je me suis fait mon oreille, j’écoutais les rita mitsouko, Balavoine, en même temps, j’avais des cassettes, on faisait les nôtres tu te rappelles à l’époque? on enregistrait des émissions radio, on faisait nos trucs.
il pouvait y avoir aussi bien de la chanson française que du Onyx…

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KS : Qu’est ce qui t’a fait démarrer le rap, essayer d’écrire des textes, y’a t il des artistes t’ont donné envie de rapper?

JPM : J’ai écouté Rapattitude et ça a été un déclic mais à l’époque, j’ai juste commencé à gratter à l’époque, je sentais que j’avais une fibre, j’étais pas mauvais en français, je bossais pas beaucoup à l’école, j’avais une attirance naturel, j’aimais bien bouquiné seul et j’écrivais.

Je suis parti en Guadeloupe un été et j’ai rencontré pas mal de monde là-bas, y’avait un concert de NTM au tout début et puis, j’ai rencontré des cousins qui étaient dans des groupes et je me suis dedans et il était question de se produire sur scène, on a jamais fait de scènes mais j’ai commencé à gratter mes premiers textes.

KS : Donc t’étais en contact avec des groupes connus ou pas connus?

JPM : J’habitais le 18 ème donc y’avait un terreau, une ambiance, j’étais à l’école à Clignancourt, y’avait beaucoup de groupe du18ème et une espèce de culture littéraire, tu vois, on se croisait beaucoup : Mokless, Haroun avait pas fait La Scred Connexion, Koma avait pas encore sorti « Une époque de Fou », et y’avait beaucoup de groupes dans le 18 ème, y’avait une émulation un truc assez fort qui était en train de se créer et tous ceux qui avait la fibre artistique sentaient qu’il y avait un truc à faire.

KS : Y’avait un peu une forme d’unité sur la base ?

JPM : Oui, en quelque sorte.

Personnellement, j’avais la fibre du freestyle, je pouvais traverser Paris pour aller dans des open-mics.

KS : Comment tu vois le freestyle? Un texte écrit de manière libre, de l’impro?

JPM : Idéalement, c’est de l’impro, et pour moi, ça abord été ça, je travaillais mes textes mais j’écrivais un peu en réaction par rapport à des trucs que j’entendais et que je trouvais facile et du coup, je me disais que je pouvais faire mieux, c’est une façon d’affirmer ton identité et dire que t’es là, que tu peux faire ce que fait l’autre mais que ce que tu fais toi, l’autre ne peut pas le faire. Il y a une forme d’émulation qui fait monter la qualité.

KS : Parle-nous un peu de ton projet sorti, ton premier album « 19h07 », de son concept, de sa genèse, de son histoire, à moins qu’il s’agisse simplement d’une compilation de morceaux que tu souhaitais publier?

JPM : Il n’y a pas vraiment de genèse mais plus une volonté de faire connaissance un peu avec le public. J’ai mixé l’album de « Guns’n’Rocé » de Rocé, je l’ai vu faire son développement, m’inviter sur scène pour interpréter le titre en feutrine sur son album s’appelle « Actuel » et je me suis rendu compte qu’il y avait des gens aux quatre coins de France qui me connaissaient dans des coins où j’étais jamais aller et je n’avais pas de réseaux sociaux à l’époque, pas de Facebook, tweeter, tout ça.

J’étais assez étonné de voir qu’ll y avait un public pour ça et des gens qui attendaient que de la musique sorte mais bien sûr, toute proportions gardées, en restant relatif.

J’ai pas fait cet album en mission pour le Seigneur, je l’ai fait déjà pour moi, essayer de donner un sens à toutes ces années passées à faire de la musique dans l’ombre, je me suis que j’avais envie de vivre l’aventure, que ce serait bien de la partager.

KS : Quelle est ta mentalité en générale? Ton rapport d’artiste avec le public et la façon dont tu es au quotidien?

JPM : Je suis pas quelqu’un qui la ramène, qui a besoin de prouver qu’il est là, c’est assez difficile pour moi de parler de moi, je fais des morceaux un peu pour dire qui je suis, j’essaie de pas biaiser, d’être le plus naturel possible sur scène.

Je suis rentré dans le spectacle, je joue le jeu. J’ai travaillé beaucoup dans ma vie mais pas plus que d’autres qui n’ont pas appris la musique.

Dans le morceau « Pas de Bol », ça reste une mise en scène d’une partie de ma vie, je suis pas dupe, tu peux parler de , aç restera jamais qu’un morceau qui dure 3 minutes que tu peux écouter en mâchant un chewing-gum ou en faisant tes lacets.

Je sacralise pas non plus ce que je fais, je donne de l’importance aux liens que ça permet de tisser, ça c’est pas abstrait, je cherche de l’humain.

Quand tu donnes un spectacle, les réactions face aux spectacles sont spectaculaires, tu fais sortir un lapin d’un chapeau, les gens font oh, mais toi tu sais que le lapin était déjà là.

Si tu ne le fais avec la générosité d’avoir envie de procurer ce rêve, cette projection que les gens se font, faut même pas faire ce métier.

Partager des choses, tisser du lien, créer du lien, c’est une des plus grandes victoires sur ce projet ; déjà, la pochette, le fait d’être en photo en train de courir pour prendre le train et d’être aussi déjà dans le train, ça créé la discussion et ça j’aime bien quand ça créé du débat.

Ils me disent « C’est marrant la pochette où t’es en train de prendre le train » et là, je dis « ah bon ? » d’autres qui me disent aussi « T’es où ? Tu prends le train, tu es aussi dans le train, on dirait que tu t’aides » et en fait, moi, je suis au milieu, entre les deux, je suis les deux et aucun, je suis juste dans l’instant, c’est ça le concept, on prend le contrôle de son temps.

C’est une seconde ou un instant ou on décide qu’on arrête et on fait ce qu’on a à faire, on choisit, on prend un peu le contrôle de son temps.

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KS : T’aurais pu mettre une autre heure?

JPM : J’aurai pu mettre une heure fixe mais non car c’est rare que, quand tu regardes l’heure, ce soit une heure fixe. Au boulot, à l’école, tu commences à telle heure, tu finis à telle heure. Je me donne une marge.

KS : Comment te sens tu dans le rap? Son milieu?

JPM : Je crois pas qu’il y ait un milieu du rap, pour avoir fréquenté des bouchers, des boulangers, y’a pas de milieu de boulangers ni des bouchers, ni du rap, tous mes potes sont pas des rappeurs et je crois que ça devient un milieu à partir du moment où tu le vois comme ça, où tu veux que ça le soit, mais tu peux aussi t’affranchir de ça, soit t’épanouir dedans, je crois pas que le rap soit une corporation, y’a autant de rap que de rappeurs et même si beaucoup ont tendance à se copier les uns les autres, dans le fil des actualités, la formule que j’ai c’est que dans le rap, on a beaucoup de personnes mais très peu de personnalités, après, il faut creuser et c’est selon son affinité personnelle, le niveau où on le met dans sa vie.

ça reste une musique assez jeune, qui est en constante transformation et qui a été soumise à différentes transformations.

Après le flop de Gynéco, les gens disaient que beaucoup de pressions ont été mise sur le rap pour faire croire que le rap n’était qu’une mode, un courant passager, qu’on allait passer à autre chose, c’est la musique qui vend le plus en France, tous secteurs et formats confondus, c’est une manne financière et idéologique.

Le rap, tel qu’il a été pensé au départ et s’est développé en France, avec un esprit contestataire, a tendance à devenir un peu désuet et soigneusement, y’a des gens qui ont tiré parti du fait d’enlever toutes ses notions de contestations et de brassages idéologiques pour en faire une musique commercial, main stream.

Quand on regarde bien l’histoire de la musique, c’est le propre de toutes les musiques qui ont évolué, c’est arrivé au rock, au jazz, c’est arrivé au rap, c’est juste l’évolution pas forcément logique mais liée à la cupidité de l’homme et ça existe depuis avant la naissance de Louis XIV, tu vois, c’est récupérer un truc qui fonctionne pour en faire un commerce, en fait, ça a été fait très tôt en France mais y’a quand même une base, des gens de bonne volonté qui font bien les choses et moi, je le fais avec eux. Je vais pas me prendre pour Zorro et dire ouais, y’a les vendus, les pas vendus…La musique se développe telle qu’elle doit se développer, voilà.

D’une certaine manière, ça me fait plaisir que Maître Gims vende plus que Mylène Farmer…

KS : L’utilisation du terme Hip-Hop me parait souvent abusive, un fourre-tout, du coup, la représentation du Hip-Hop à partir de là est en quelque sorte faussée…en comparant Maître Gims et ton projet, les plus jeunes vont sûrement plus se tourner, a priori, vers lui pour identifier qui représente le Hip-Hop, le rap…Qu’en penses tu?

JPM : Tu peux rien y faire à part continuer d’exister ce qu’on fait c’est un travail de fourmis car si je me dis que je suis en guerre contre ces mecs là, c’est perdu d’avance. On grapille ce qu’on peut dans tout ça. Je vais mettre toute la conscience, tout ce que je considère bon à partager et je vais avoir moins de likes que si Gims se gratte le nez…

Sur un panel de 1000 personnes à qui on propose de monopoliser leur temps et de choisir entre passer une heure à parler sur le réchauffement climatique ou une heure sur l’actualité des Kardashian, tu vas être surpris du nombre de réponses concernant les Kardashian… et c’est la réalité de ton peuple, c’est pas la faute du Hip-Hop ou du Rock…C’est aussi la manière dont l’industrie publicitaire a pris le cerveau des jeunes et leur a injecté du vide, c’est le pouvoir d’occupation de l’esprit avec du vide qui est énorme, c’est pas un problème qui est propre au rap, c’est de la misère culturelle, ça a rattrapé le rap puisque le rap est rentré dans la culture.

Tant que c’était considéré comme une sous-culture, c’était encore tenu par les tolliers mais ça passait pas la périphérique, ça rentrait pas dans certaines sphères, façon de parler car, bon, y’avait déjà du rap dans le 18 ème.

Dès que les élites ont vu que leurs gamins n’écoutaient que ça, ils ont mis la main dessus et se sont dit qu’il fallait leur truc mais cool quoi.

KS : Envisages tu de faire du cinéma ou d’autres choses par la suite?

Peut être, si l’occasion se présente…
Y’a quelques années, j’étais parti jouer une pièce avec mon cousin à Montréal, dans une troupe « Collectif Baldwin » qui reprend et interprète des textes de James Baldwin, un auteur noir américain es années 60 et j’ai toujours été intéressé par le théâtre, l’actoring et la réalisation.

J’ai une grande part dans la réalisation de mes clips même s’ils ne sont pas très réalisés ! Je sens qu’,aujourd’hui, la musique c’est un support qui ne suffit plus à lui -même, si tu fais du visuel, ben, t’as intérêt à faire de la musique aussi et inversement, je crois que si tu fais de la musique, tu dois l’associer à de l’image, à un visuel fort…N’importe qui faisant de la musique a intérêt de faire des clips, de l’image, de l’audio-visuel à considérer son travail comme tel, ce, même avant Mickael Jackson.

Mickaël Jackson, en référence à ça, a simplement amené l’idée d’associer de la bonne musique à un visuel fort, qui te reste en tête.

Du coup, tu consommes plus la musique de la même manière, tu la regardes aujourd’hui, la musique se regarde de plus en plus, avant elle s’écoutait plus qu’autre chose…

KS : Tu écoutes du jazz, ou des choses assez ancienne, voire années 30?

Ouais, du rock des années 60/70 et pour les années 30, oui, genre du fox trot, du cakewalk, j’aime bien et je peux écouter de la musique plus ancienne que ça, disons, c’est plus rythmique, j’aime bien quand ça swingue, le be bop, le hard bop et autres, par exemple, j’écoute des musiciens comme Dizzy Gillespie, et d’ailleurs, sur la réédition de mon premier album, dessus, y’a un morceau inédit dessus qui s’appelle Dizzy Gillespie…

KS : Ah, ok, alors va falloir que je retourne en prendre un… (rires)

JPM : Non, j’t’en filerais un, on va arranger ça..

KS : Quelle est ta vision de la société française et de la politique par les temps qui courent? Y a t il des choses qui t’accrochent ou te bassinent ?

JPM : J’ai une vision de la société je la garde pour mes amis, pour mes proches, c’est pas une chose que j’estime que les artistes ont la nécessité de partager avec leur public, tu peux, évidemment, t’insurger, manifester ton désaccord avec une injustice, après, aller dans le fond de la vision de la société, moi, je pars du principe qu’il se peut qu’il y’a ait des gens qui écoutent la musique que je fais et ne soient pas d’accord avec ma vision de la société.

En fait, j’ai pas besoin de ramener ça sur le tapis, de ramener les gens à moi, vers ma vision de la société sinon je fais de la politique. Si tu veux, je suis pas d’accord sur toute la ligne, tu vois, j’ai vu des choses dernièrement dans la politique française qui m’ont sidéré et y’a de moins en moins qui me choquent avec l’âge que j’ai, je suis de moins en moins surpris du manque de courage des gens en général mais j’ai pas vocation d’en parler.

KS : As tu une ou des anecdotes ou moments hyper marrants, des choses dont tu voudrais nous faire part, où il s’est passé quelque chose d’extraordinaire au cours de ta carrière?

JPM : Euh, y’en a tellement… tu sais l’âge que j’ai… (rires) Bon, déjà tu sais que ça fait longtemps que je fais ça alors… tu te doutes de l’âge que j’ai…

Il y a une histoire qui m’est arrivé à Sannois, il y a avait un plateau avec pas mal de mecs qui devaient frapper ce soir là, y’avait entre autres Grems, Yoshi, Georgio, Némir devait clotûrer, je devais passer, je regardais un peu ce qui se passait et y’avait un mec dans la foule qui criait… « « ouais, remboursé ! »  »tu sais le mec qui te pollue un concert en deux secondes, je me disais que c’était un mec bourré…

Au moment de monter sur scène, je commence à frapper et j’enchaîne la deuxième, sur le morceau qui s’appelle « Is Everything right? » et l’instrumentale n’est pas partie et le mec crie « ouais, l’instru, elle est pourrie » et là je commence le morceau sans, j’avais pas trop le choix, j’avais pas encore beaucoup de scène dans les pattes sinon j’aurai fait un pull up et j’aurai renvoyer direct donc j’ai fini le morceau comme ça et je le voyais crier devant…

Un moment, je le prends un peu à partie et je lui demande s’il n’a pas d’amis et s’il ne veut pas laisser son numéro de portable à tout le monde, je lui donne le micro comme ça y’a aura peut être des gens qui vont l’appeler ou alors qu’il fasse un album et après on lui donnera le micro, il montera sur scène et fera son truc.

Après je vais dans la fosse, je rappe un couplet devant lui (Longueur d’ondes), il essaie même de me rendre le micro, je le pousse, je remonte sur scène mais bon, je m’en tire pas trop mal.

Quand les concerts sont finis, je discute avec Yoshi, tout ça, et je vois le mec qui arrive et il me dit « aaah ! génial, mec, ton concert !!», je lui dis « écoute range ta main, c’est pas la peine, tu m’as cassé les couilles depuis tout à l’heure, va au bout de ton truc »…

Il m’explique que lui, non mais non, il était déçu d’être là car il voulait voir autre chose ce soir là, il était déjà déçu, si ça lui plaît, il se manifeste si c’est pas un bon artiste que tu vois sur scène…», bref un truc un peu foireux…, « écoute c’est pas grave, me calcule pas, fais ta soirée » mais je me rends compte qu’il était pas bourré et je me dis « vas-y je le laisse parce que sinon ça va mal tourner… » et puis le mec me suit donc un moment, je lui demande « mec quel est ton problème? » écoute, je vais te dire la vérité, en fait, j’étais venu pour voir un mec et il était pas là, je suis fan de lui, j’étais venu pour voir JP Mapaula et quand j’ai vu sur l’affiche JP Manova, j’ai cru que c’était lui qui jouait ce soir, c’est un ancien, un mec qui a fait des trucs avec Flynt donc j’étais vener ce soir de pas le voir sur scène »

Donc je lui explique gentiment que « c’est oim », il me rétorque « que « non, c’est un mec à l’ancienne, il a posé sur Liaisons Dangereuses, l’album de Doc Gynéco » et je lui dis c’est oim, oui, Liaisons Dangereuses, Doc Gynéco, Flynt, Sang d’encre – apparemment il est fan de Sang d’encre…

Alors, là, il a buggué «Mec, en fait, t’as niqué mon concert parce que tu pensais que j’étais un imposteur… » Il me sort « Ben, ouais… ».

Je lui réponds « Ben, écoute mec, passe une bonne soirée ! » Il me dit « attends, on va pas se laisser comme ça » et je conclus simplement « non, passe une bonne soirée mec », voilà, c’était assez rigolo.

KS : C’est incroyable…

JPM : C’est vrai que la dernière chose que tu apprends c’est l’impression que tu laisses aux autres. T’es sur scène, tu vois les gens, le public, tu les regardes, des fois, j’ai eu l’impression que les mecs se faisaient chier grave et après venir te voir pour te que ça déchire…

Les mecs sont ,en fait, en découverte, ils prennent le truc, ils l’analysent.
Ils te regardent comme ça, comme si ils s’emmerdaient grave alors que pas forcément.

Dans d’autres pays, régions, y’a encore d’autres publics qui eux sont très expressifs, qui jumpent, crient et s’amusent.
Faut pas s’arrêter aux apparences, t’en as qui adhérent direct et se manifestent puis d’autres qui croisent les bras et attendent sans bouger mais ça veut pas forcément dire qu’ils s’ennuient.

KS : As tu des sujets de prédilection quand tu écris?

JPM : Aucun sujet en particulier…

KS : C’est quoi la suite pour toi, à part la réédition de 19h07, y’a t-il un futur proche?

JPM : C’est d’enchaîner les dates de concerts et de faire une putain de belle date le 17 mars au Divan du Monde et réunir un line-up assez inédit puisque j’ai demandé à Samir Ahmad et Joe Lucas de faire chacun un show case avant le concert et ils ont accepté et puis bien évidemment inviter mes potes comme j’avais fait au Pan Piper : Rocé, Ekoué, Mokless, Daddy Lord C, etc. les anciens… à l’honneur.

KS : Est ce que tu vas te pencher sur un deuxième album?

JPM : Je suis dessus là, j’ai pas encore annoncé mais j’y travaille et ça pourrait venir plus vite que prévu!

KS : Des disques d’aujourd’hui dans le rap et dans un autre style de musique à faire découvrir, à nous recommander?

JPM : Quasiment toute l’année 2015 en rap français, celui dans lequel je me reconnais, les gens feront le tri…Lucio Bukowski, Virus, Demi-Portion, Yoshi, Hippocampe Fou, Céo, tous les mecs qui sont dans le combat contre la bêtise et la facilité, etc.

J’aime beaucoup une artiste qui s’appelle Pauline Croze, Rahif Cohen, j’ai trouvé ça assez frais et bon, y’a tellement de trucs

KS : Un disque à l’ancienne?

JPM : Jon Lewis « Odd against tomorrow »

KS : Avec quel matériel produis- tu tes sons?

JPM : J’ai commencé par les instruments, puis avec la Mpc que tu vois là-bas, j’ai fait de la chorale quand j’étais plus jeune, j’ai appris l’harmonie, je bosse beaucoup avec la MAO, aujourd’hui, j’utilise beaucoup de logiciels mais aussi des onduleurs des synthés analogiques que j’affectionne et puis je mixe beaucoup aussi dans mon home studio.

KS : Et la place du sampling dans ton travail?

JPM : Pour moi, niveau composition, c’est 50/50, c’est prendre quelque chose qui existe déjà, prendre une boucle avec des teintes musicales et en faire quelque chose de nouveau avec, en coupant, rejouant différemment, le but étant d’être créatif, pas juste prendre juste le talent de quelqu’un et le mettre en boucle.

Exemple, si je te fais écouter dans « Capoeira verbale », j’ai samplé Astrid Gliberto, ça donne autre chose et même chose pour La Barbe de Morgan Freeman, on ne reconnaît pas les originaux, ça donne autre choses

KS : Pour toi Hip-Hop, ça veut dire quoi?

JPM : ça veut dire j’existe et je le prouve.

KS : Le mot de la fin, dédicaces… :

JPM : Je ne fais que commencer…
KS : Quelque chose à déclarer aux auditeurs et lecteurs, lectrices :

JPM :Je fais partie de ces artistes, ce que je fais n’a jamais autant de sens que quand le public qui suit est au rendez-vous, c’est ça qui créé la discussion, qui fait que j’existe, le fait qu’il reconnaissent mon existence, plus il y en a, plus tu existes en tant qu’artiste.

Merci JP !

KING SIROKO Janvier à Septembre 2016

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Introduction :

19H07, c’est dernière déjà moi, vu à L’international pour une super prestation live, bien punchy, bon, en revanche, mon rendez-vous sera un peu comme son album, pas à une heure fixe mais suivant le cours des évènements, Tram puis RER, j’ai du chemin pour aller jusque dans le 9.4., direction Cachan où je vais retrouver l’intimité, la demeure, le repère de JP Manova…

Ce dernier m’accorde le privilège (mais je suis le King !) d’être reçu avec les honneurs, très chaleureusement et toute simplicité à domicile, je suis dans le Blue du Studio, entouré de machines, disques et appareils servant à composer de la musique Hip-Hop avec cet esprit Soul et la finesse du Jazz mais le côté excentrique, libéré et ferme de la Funky Music qui faite transpirer sur la piste et son disque ne m’a vraiment pas laissé indifférent, n’étant pas le seul et ayant noté quelques morceaux remarquables par leurs textes et la musicalité des instrumentales, je suis un peu sous le charme, mettons ça de côté pour creuser un peu et étudier le cas Manova…

Un mc au rap mené avec intelligence (et appuyé par MC Solaar et déjà entendu aux côtés de Gynéco), précision, agilité verbale dans l’élan d’un esprit critique au style original, terriblement bien senti, la voix interpelle, je me repasse des passages entiers qui me font tripper ! Je le promets, un bon cru…allez, arrête de faire le fan mister Siroko…

J’enclenche le record sur mon fidèle compagnon portable en sale état mais fonctionnel, tenons nous en à l ‘essentiel, longue intro mais y’a de la matière grise derrière !
No School, c’est parti !

Tout d’abord : Bonne année, bonne santé

KS : Peux faire une brève présentation de ton toi et ton univers en quelques mots ?

JPM : Un esprit libre dans le Hip-Hop français qui se revendique pas spécialement d’une école, qui les connaît un peu toutes et qui les respecte, un mec qui cherche à expérimenter, un travailleur, un besogneux, un perfectionniste qui travaille sur sa formule depuis longtemps et qui se remet régulièrement en question, qui cherche à être heureux, un peu comme les gens qu’il écoute.

KS : ça fait longtemps que tu rappes et composes ?

JPM : Longtemps c’est relatif, tu vois, la dernière, j’ai croisé des jazzman qui font de la musique depuis 40 ans… et je viens de commencer pour eux !

J’en ai fait une grande partie de ma vie, j’ai une trentaine bien tassée, j’ai commencé avant 20 ans, j’ai posé sur le disque de Doc Gynéco.

Je me sentais prêt de sortir le mien l’année dernière maintenant pour des questions de développement personnel, de volonté personnelle, je pense que dans mon public y’a des gens dont j’aurai pu être le père. Je pense qu’il faille en faire tout un plat

KS : T’es plus sur la qualité?

JPM : Oui et un moment donné, j’ai eu de quoi faire plusieurs disques et j’ai toujours gardé en tête de partager ça avec les gens, de sortir et les choses se sont accélérées d’un coup fin 2014 avec la volonté d’y aller, je me sentais assez prêt et assez armé pour ça mais j’ai pas passé 15 ans à réfléchir quand et comment faire pour sortir un skeud entre la fois où j’ai pris pour la première fois un micro et la sortie de mon disque. J’ai vu des collègues le faire, des carrières se monter, se briser, se développer, des espoirs récompensés, déçus, j’ai fait un peu le tour de la question.

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KS : Y’a t-il une raison expliquant le choix du moment de la sortie?

JPM : L’alignement des planètes?… (rires), non, je sens que…un mouvement comme le rap en France, notamment le rap au sein du Hip-Hop, c’est assez délicat… et ça a été assez délicat pour moi pendant mal de temps de me dire que j’allais en faire réellement car je voyais ce que c’était en train de devenir et ça me plaisait pas. Et quand t’as passé un certain âge, t’as voyagé, t’as travaillé, t’as gambergé, tu commences à t’en foutre, tu te permets beaucoup plus de choses, tu t’affranchis du regard des autres, de la pression du groupe et t’as une maturité qu’il est bon d’injecter dans le rap et aujourd’hui les gens de ma génération ont un peu ce pouvoir : ne pas faire ce que le groupe ou la masse demande, quand tu es plus jeune, il y a un effet de groupe, la dictature du groupe on peut pas vraiment échapper à ça, on peut pas leur en vouloir… Maintenant, moi, est ce que j’ai voulu appartenir à ça? pas vraiment… est ce que je me reconnaissais là-dedans ? Pas vraiment, en fait, j’avais assez de maturité pour amener une forme de rap qui se revendique pas d’une école ou d’une filiation autre que celle de mes potes et puis c’est ce qui fait qu’à mes concerts, je peux avoir des rappeurs très différents à mes côtés et ça fait pas tâche, ça fait pas bizarre, y’a un peu de tout ça dans ce que je fais.

KS : Quelles sont tes influences musicales?

JPM : J’ai un spectre large, j’ai une mère qui avait une platine vinyle et qui aimait beaucoup la musique, elle avait des disques de Georges Benson, de musique brésilienne, de musique classique, j’ai une grande soeur qui a 4 ans de plus que moi, un grand frère qui a dix ans de plus que moi et quand j’étais petit, j’écoutais ce qu’ils écoutaient, ils étaient dans des influences différentes, certains étaient dans la new wave, ma soeur était fan de U2, elle écoutait les choses un peu rock, de la période années 90, The Cure, donc c’était large… le côté « black music » par ma mère, le côté musique pop- rock, musique électro par mes grands frères et soeurs, je me suis fait mon oreille, j’écoutais les rita mitsouko, Balavoine, en même temps, j’avais des cassettes, on faisait les nôtres tu te rappelles à l’époque? on enregistrait des émissions radio, on faisait nos trucs.
il pouvait y avoir aussi bien de la chanson française que du Onyx…

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KS : Qu’est ce qui t’a fait démarrer le rap, essayer d’écrire des textes, y’a t il des artistes t’ont donné envie de rapper?

JPM : J’ai écouté Rapattitude et ça a été un déclic mais à l’époque, j’ai juste commencé à gratter à l’époque, je sentais que j’avais une fibre, j’étais pas mauvais en français, je bossais pas beaucoup à l’école, j’avais une attirance naturel, j’aimais bien bouquiné seul et j’écrivais.

Je suis parti en Guadeloupe un été et j’ai rencontré pas mal de monde là-bas, y’avait un concert de NTM au tout début et puis, j’ai rencontré des cousins qui étaient dans des groupes et je me suis dedans et il était question de se produire sur scène, on a jamais fait de scènes mais j’ai commencé à gratter mes premiers textes.

KS : Donc t’étais en contact avec des groupes connus ou pas connus?

JPM : J’habitais le 18 ème donc y’avait un terreau, une ambiance, j’étais à l’école à Clignancourt, y’avait beaucoup de groupe du18ème et une espèce de culture littéraire, tu vois, on se croisait beaucoup : Mokless, Haroun avait pas fait La Scred Connexion, Koma avait pas encore sorti « Une époque de Fou », et y’avait beaucoup de groupes dans le 18 ème, y’avait une émulation un truc assez fort qui était en train de se créer et tous ceux qui avait la fibre artistique sentaient qu’il y avait un truc à faire.

KS : Y’avait un peu une forme d’unité sur la base ?

JPM : Oui, en quelque sorte.

Personnellement, j’avais la fibre du freestyle, je pouvais traverser Paris pour aller dans des open-mics.

KS : Comment tu vois le freestyle? Un texte écrit de manière libre, de l’impro?

JPM : Idéalement, c’est de l’impro, et pour moi, ça abord été ça, je travaillais mes textes mais j’écrivais un peu en réaction par rapport à des trucs que j’entendais et que je trouvais facile et du coup, je me disais que je pouvais faire mieux, c’est une façon d’affirmer ton identité et dire que t’es là, que tu peux faire ce que fait l’autre mais que ce que tu fais toi, l’autre ne peut pas le faire. Il y a une forme d’émulation qui fait monter la qualité.

KS : Parle-nous un peu de ton projet sorti, ton premier album « 19h07 », de son concept, de sa genèse, de son histoire, à moins qu’il s’agisse simplement d’une compilation de morceaux que tu souhaitais publier?

JPM : Il n’y a pas vraiment de genèse mais plus une volonté de faire connaissance un peu avec le public. J’ai mixé l’album de « Guns’n’Rocé » de Rocé, je l’ai vu faire son développement, m’inviter sur scène pour interpréter le titre en feutrine sur son album s’appelle « Actuel » et je me suis rendu compte qu’il y avait des gens aux quatre coins de France qui me connaissaient dans des coins où j’étais jamais aller et je n’avais pas de réseaux sociaux à l’époque, pas de Facebook, tweeter, tout ça.

J’étais assez étonné de voir qu’ll y avait un public pour ça et des gens qui attendaient que de la musique sorte mais bien sûr, toute proportions gardées, en restant relatif.

J’ai pas fait cet album en mission pour le Seigneur, je l’ai fait déjà pour moi, essayer de donner un sens à toutes ces années passées à faire de la musique dans l’ombre, je me suis que j’avais envie de vivre l’aventure, que ce serait bien de la partager.

KS : Quelle est ta mentalité en générale? Ton rapport d’artiste avec le public et la façon dont tu es au quotidien?

JPM : Je suis pas quelqu’un qui la ramène, qui a besoin de prouver qu’il est là, c’est assez difficile pour moi de parler de moi, je fais des morceaux un peu pour dire qui je suis, j’essaie de pas biaiser, d’être le plus naturel possible sur scène.

Je suis rentré dans le spectacle, je joue le jeu. J’ai travaillé beaucoup dans ma vie mais pas plus que d’autres qui n’ont pas appris la musique.

Dans le morceau « Pas de Bol », ça reste une mise en scène d’une partie de ma vie, je suis pas dupe, tu peux parler de , aç restera jamais qu’un morceau qui dure 3 minutes que tu peux écouter en mâchant un chewing-gum ou en faisant tes lacets.

Je sacralise pas non plus ce que je fais, je donne de l’importance aux liens que ça permet de tisser, ça c’est pas abstrait, je cherche de l’humain.

Quand tu donnes un spectacle, les réactions face aux spectacles sont spectaculaires, tu fais sortir un lapin d’un chapeau, les gens font oh, mais toi tu sais que le lapin était déjà là.

Si tu ne le fais avec la générosité d’avoir envie de procurer ce rêve, cette projection que les gens se font, faut même pas faire ce métier.

Partager des choses, tisser du lien, créer du lien, c’est une des plus grandes victoires sur ce projet ; déjà, la pochette, le fait d’être en photo en train de courir pour prendre le train et d’être aussi déjà dans le train, ça créé la discussion et ça j’aime bien quand ça créé du débat.

Ils me disent « C’est marrant la pochette où t’es en train de prendre le train » et là, je dis « ah bon ? » d’autres qui me disent aussi « T’es où ? Tu prends le train, tu es aussi dans le train, on dirait que tu t’aides » et en fait, moi, je suis au milieu, entre les deux, je suis les deux et aucun, je suis juste dans l’instant, c’est ça le concept, on prend le contrôle de son temps.

C’est une seconde ou un instant ou on décide qu’on arrête et on fait ce qu’on a à faire, on choisit, on prend un peu le contrôle de son temps.

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KS : T’aurais pu mettre une autre heure?

JPM : J’aurai pu mettre une heure fixe mais non car c’est rare que, quand tu regardes l’heure, ce soit une heure fixe. Au boulot, à l’école, tu commences à telle heure, tu finis à telle heure. Je me donne une marge.

KS : Comment te sens tu dans le rap? Son milieu?

JPM : Je crois pas qu’il y ait un milieu du rap, pour avoir fréquenté des bouchers, des boulangers, y’a pas de milieu de boulangers ni des bouchers, ni du rap, tous mes potes sont pas des rappeurs et je crois que ça devient un milieu à partir du moment où tu le vois comme ça, où tu veux que ça le soit, mais tu peux aussi t’affranchir de ça, soit t’épanouir dedans, je crois pas que le rap soit une corporation, y’a autant de rap que de rappeurs et même si beaucoup ont tendance à se copier les uns les autres, dans le fil des actualités, la formule que j’ai c’est que dans le rap, on a beaucoup de personnes mais très peu de personnalités, après, il faut creuser et c’est selon son affinité personnelle, le niveau où on le met dans sa vie.

ça reste une musique assez jeune, qui est en constante transformation et qui a été soumise à différentes transformations.

Après le flop de Gynéco, les gens disaient que beaucoup de pressions ont été mise sur le rap pour faire croire que le rap n’était qu’une mode, un courant passager, qu’on allait passer à autre chose, c’est la musique qui vend le plus en France, tous secteurs et formats confondus, c’est une manne financière et idéologique.

Le rap, tel qu’il a été pensé au départ et s’est développé en France, avec un esprit contestataire, a tendance à devenir un peu désuet et soigneusement, y’a des gens qui ont tiré parti du fait d’enlever toutes ses notions de contestations et de brassages idéologiques pour en faire une musique commercial, main stream.

Quand on regarde bien l’histoire de la musique, c’est le propre de toutes les musiques qui ont évolué, c’est arrivé au rock, au jazz, c’est arrivé au rap, c’est juste l’évolution pas forcément logique mais liée à la cupidité de l’homme et ça existe depuis avant la naissance de Louis XIV, tu vois, c’est récupérer un truc qui fonctionne pour en faire un commerce, en fait, ça a été fait très tôt en France mais y’a quand même une base, des gens de bonne volonté qui font bien les choses et moi, je le fais avec eux. Je vais pas me prendre pour Zorro et dire ouais, y’a les vendus, les pas vendus…La musique se développe telle qu’elle doit se développer, voilà.

D’une certaine manière, ça me fait plaisir que Maître Gims vende plus que Mylène Farmer…

KS : L’utilisation du terme Hip-Hop me parait souvent abusive, un fourre-tout, du coup, la représentation du Hip-Hop à partir de là est en quelque sorte faussée…en comparant Maître Gims et ton projet, les plus jeunes vont sûrement plus se tourner, a priori, vers lui pour identifier qui représente le Hip-Hop, le rap…Qu’en penses tu?

JPM : Tu peux rien y faire à part continuer d’exister ce qu’on fait c’est un travail de fourmis car si je me dis que je suis en guerre contre ces mecs là, c’est perdu d’avance. On grapille ce qu’on peut dans tout ça. Je vais mettre toute la conscience, tout ce que je considère bon à partager et je vais avoir moins de likes que si Gims se gratte le nez…

Sur un panel de 1000 personnes à qui on propose de monopoliser leur temps et de choisir entre passer une heure à parler sur le réchauffement climatique ou une heure sur l’actualité des Kardashian, tu vas être surpris du nombre de réponses concernant les Kardashian… et c’est la réalité de ton peuple, c’est pas la faute du Hip-Hop ou du Rock…C’est aussi la manière dont l’industrie publicitaire a pris le cerveau des jeunes et leur a injecté du vide, c’est le pouvoir d’occupation de l’esprit avec du vide qui est énorme, c’est pas un problème qui est propre au rap, c’est de la misère culturelle, ça a rattrapé le rap puisque le rap est rentré dans la culture.

Tant que c’était considéré comme une sous-culture, c’était encore tenu par les tolliers mais ça passait pas la périphérique, ça rentrait pas dans certaines sphères, façon de parler car, bon, y’avait déjà du rap dans le 18 ème.

Dès que les élites ont vu que leurs gamins n’écoutaient que ça, ils ont mis la main dessus et se sont dit qu’il fallait leur truc mais cool quoi.

KS : Envisages tu de faire du cinéma ou d’autres choses par la suite?

Peut être, si l’occasion se présente…
Y’a quelques années, j’étais parti jouer une pièce avec mon cousin à Montréal, dans une troupe « Collectif Baldwin » qui reprend et interprète des textes de James Baldwin, un auteur noir américain es années 60 et j’ai toujours été intéressé par le théâtre, l’actoring et la réalisation.

J’ai une grande part dans la réalisation de mes clips même s’ils ne sont pas très réalisés ! Je sens qu’,aujourd’hui, la musique c’est un support qui ne suffit plus à lui -même, si tu fais du visuel, ben, t’as intérêt à faire de la musique aussi et inversement, je crois que si tu fais de la musique, tu dois l’associer à de l’image, à un visuel fort…N’importe qui faisant de la musique a intérêt de faire des clips, de l’image, de l’audio-visuel à considérer son travail comme tel, ce, même avant Mickael Jackson.

Mickaël Jackson, en référence à ça, a simplement amené l’idée d’associer de la bonne musique à un visuel fort, qui te reste en tête.

Du coup, tu consommes plus la musique de la même manière, tu la regardes aujourd’hui, la musique se regarde de plus en plus, avant elle s’écoutait plus qu’autre chose…

KS : Tu écoutes du jazz, ou des choses assez ancienne, voire années 30?

Ouais, du rock des années 60/70 et pour les années 30, oui, genre du fox trot, du cakewalk, j’aime bien et je peux écouter de la musique plus ancienne que ça, disons, c’est plus rythmique, j’aime bien quand ça swingue, le be bop, le hard bop et autres, par exemple, j’écoute des musiciens comme Dizzy Gillespie, et d’ailleurs, sur la réédition de mon premier album, dessus, y’a un morceau inédit dessus qui s’appelle Dizzy Gillespie…

KS : Ah, ok, alors va falloir que je retourne en prendre un… (rires)

JPM : Non, j’t’en filerais un, on va arranger ça..

KS : Quelle est ta vision de la société française et de la politique par les temps qui courent? Y a t il des choses qui t’accrochent ou te bassinent ?

JPM : J’ai une vision de la société je la garde pour mes amis, pour mes proches, c’est pas une chose que j’estime que les artistes ont la nécessité de partager avec leur public, tu peux, évidemment, t’insurger, manifester ton désaccord avec une injustice, après, aller dans le fond de la vision de la société, moi, je pars du principe qu’il se peut qu’il y’a ait des gens qui écoutent la musique que je fais et ne soient pas d’accord avec ma vision de la société.

En fait, j’ai pas besoin de ramener ça sur le tapis, de ramener les gens à moi, vers ma vision de la société sinon je fais de la politique. Si tu veux, je suis pas d’accord sur toute la ligne, tu vois, j’ai vu des choses dernièrement dans la politique française qui m’ont sidéré et y’a de moins en moins qui me choquent avec l’âge que j’ai, je suis de moins en moins surpris du manque de courage des gens en général mais j’ai pas vocation d’en parler.

KS : As tu une ou des anecdotes ou moments hyper marrants, des choses dont tu voudrais nous faire part, où il s’est passé quelque chose d’extraordinaire au cours de ta carrière?

JPM : Euh, y’en a tellement… tu sais l’âge que j’ai… (rires) Bon, déjà tu sais que ça fait longtemps que je fais ça alors… tu te doutes de l’âge que j’ai…

Il y a une histoire qui m’est arrivé à Sannois, il y a avait un plateau avec pas mal de mecs qui devaient frapper ce soir là, y’avait entre autres Grems, Yoshi, Georgio, Némir devait clotûrer, je devais passer, je regardais un peu ce qui se passait et y’avait un mec dans la foule qui criait… « « ouais, remboursé ! »  »tu sais le mec qui te pollue un concert en deux secondes, je me disais que c’était un mec bourré…

Au moment de monter sur scène, je commence à frapper et j’enchaîne la deuxième, sur le morceau qui s’appelle « Is Everything right? » et l’instrumentale n’est pas partie et le mec crie « ouais, l’instru, elle est pourrie » et là je commence le morceau sans, j’avais pas trop le choix, j’avais pas encore beaucoup de scène dans les pattes sinon j’aurai fait un pull up et j’aurai renvoyer direct donc j’ai fini le morceau comme ça et je le voyais crier devant…

Un moment, je le prends un peu à partie et je lui demande s’il n’a pas d’amis et s’il ne veut pas laisser son numéro de portable à tout le monde, je lui donne le micro comme ça y’a aura peut être des gens qui vont l’appeler ou alors qu’il fasse un album et après on lui donnera le micro, il montera sur scène et fera son truc.

Après je vais dans la fosse, je rappe un couplet devant lui (Longueur d’ondes), il essaie même de me rendre le micro, je le pousse, je remonte sur scène mais bon, je m’en tire pas trop mal.

Quand les concerts sont finis, je discute avec Yoshi, tout ça, et je vois le mec qui arrive et il me dit « aaah ! génial, mec, ton concert !!», je lui dis « écoute range ta main, c’est pas la peine, tu m’as cassé les couilles depuis tout à l’heure, va au bout de ton truc »…

Il m’explique que lui, non mais non, il était déçu d’être là car il voulait voir autre chose ce soir là, il était déjà déçu, si ça lui plaît, il se manifeste si c’est pas un bon artiste que tu vois sur scène…», bref un truc un peu foireux…, « écoute c’est pas grave, me calcule pas, fais ta soirée » mais je me rends compte qu’il était pas bourré et je me dis « vas-y je le laisse parce que sinon ça va mal tourner… » et puis le mec me suit donc un moment, je lui demande « mec quel est ton problème? » écoute, je vais te dire la vérité, en fait, j’étais venu pour voir un mec et il était pas là, je suis fan de lui, j’étais venu pour voir JP Mapaula et quand j’ai vu sur l’affiche JP Manova, j’ai cru que c’était lui qui jouait ce soir, c’est un ancien, un mec qui a fait des trucs avec Flynt donc j’étais vener ce soir de pas le voir sur scène »

Donc je lui explique gentiment que « c’est oim », il me rétorque « que « non, c’est un mec à l’ancienne, il a posé sur Liaisons Dangereuses, l’album de Doc Gynéco » et je lui dis c’est oim, oui, Liaisons Dangereuses, Doc Gynéco, Flynt, Sang d’encre – apparemment il est fan de Sang d’encre…

Alors, là, il a buggué «Mec, en fait, t’as niqué mon concert parce que tu pensais que j’étais un imposteur… » Il me sort « Ben, ouais… ».

Je lui réponds « Ben, écoute mec, passe une bonne soirée ! » Il me dit « attends, on va pas se laisser comme ça » et je conclus simplement « non, passe une bonne soirée mec », voilà, c’était assez rigolo.

KS : C’est incroyable…

JPM : C’est vrai que la dernière chose que tu apprends c’est l’impression que tu laisses aux autres. T’es sur scène, tu vois les gens, le public, tu les regardes, des fois, j’ai eu l’impression que les mecs se faisaient chier grave et après venir te voir pour te que ça déchire…

Les mecs sont ,en fait, en découverte, ils prennent le truc, ils l’analysent.
Ils te regardent comme ça, comme si ils s’emmerdaient grave alors que pas forcément.

Dans d’autres pays, régions, y’a encore d’autres publics qui eux sont très expressifs, qui jumpent, crient et s’amusent.
Faut pas s’arrêter aux apparences, t’en as qui adhérent direct et se manifestent puis d’autres qui croisent les bras et attendent sans bouger mais ça veut pas forcément dire qu’ils s’ennuient.

KS : As tu des sujets de prédilection quand tu écris?

JPM : Aucun sujet en particulier…

KS : C’est quoi la suite pour toi, à part la réédition de 19h07, y’a t-il un futur proche?

JPM : C’est d’enchaîner les dates de concerts et de faire une putain de belle date le 17 mars au Divan du Monde et réunir un line-up assez inédit puisque j’ai demandé à Samir Ahmad et Joe Lucas de faire chacun un show case avant le concert et ils ont accepté et puis bien évidemment inviter mes potes comme j’avais fait au Pan Piper : Rocé, Ekoué, Mokless, Daddy Lord C, etc. les anciens… à l’honneur.

KS : Est ce que tu vas te pencher sur un deuxième album?

JPM : Je suis dessus là, j’ai pas encore annoncé mais j’y travaille et ça pourrait venir plus vite que prévu!

KS : Des disques d’aujourd’hui dans le rap et dans un autre style de musique à faire découvrir, à nous recommander?

JPM : Quasiment toute l’année 2015 en rap français, celui dans lequel je me reconnais, les gens feront le tri…Lucio Bukowski, Virus, Demi-Portion, Yoshi, Hippocampe Fou, Céo, tous les mecs qui sont dans le combat contre la bêtise et la facilité, etc.

J’aime beaucoup une artiste qui s’appelle Pauline Croze, Rahif Cohen, j’ai trouvé ça assez frais et bon, y’a tellement de trucs

KS : Un disque à l’ancienne?

JPM : Jon Lewis « Odd against tomorrow »

KS : Avec quel matériel produis- tu tes sons?

JPM : J’ai commencé par les instruments, puis avec la Mpc que tu vois là-bas, j’ai fait de la chorale quand j’étais plus jeune, j’ai appris l’harmonie, je bosse beaucoup avec la MAO, aujourd’hui, j’utilise beaucoup de logiciels mais aussi des onduleurs des synthés analogiques que j’affectionne et puis je mixe beaucoup aussi dans mon home studio.

KS : Et la place du sampling dans ton travail?

JPM : Pour moi, niveau composition, c’est 50/50, c’est prendre quelque chose qui existe déjà, prendre une boucle avec des teintes musicales et en faire quelque chose de nouveau avec, en coupant, rejouant différemment, le but étant d’être créatif, pas juste prendre juste le talent de quelqu’un et le mettre en boucle.

Exemple, si je te fais écouter dans « Capoeira verbale », j’ai samplé Astrid Gliberto, ça donne autre chose et même chose pour La Barbe de Morgan Freeman, on ne reconnaît pas les originaux, ça donne autre choses

KS : Pour toi Hip-Hop, ça veut dire quoi?

JPM : ça veut dire j’existe et je le prouve.

KS : Le mot de la fin, dédicaces… :

JPM : Je ne fais que commencer…
KS : Quelque chose à déclarer aux auditeurs et lecteurs, lectrices :

JPM :Je fais partie de ces artistes, ce que je fais n’a jamais autant de sens que quand le public qui suit est au rendez-vous, c’est ça qui créé la discussion, qui fait que j’existe, le fait qu’il reconnaissent mon existence, plus il y en a, plus tu existes en tant qu’artiste.

Merci JP !

KING SIROKO Janvier à Septembre 2016

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